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Encre d'époque.
26 mars 2023

Exodus : Immigration et multiculturalisme au XXIè siècle de Paul Collier

 

« Nous avons la claire obligation morale de secourir les pauvres qui habitent d'autres pays. Autoriser certains d'entre eux à s'installer dans nos sociétés riches constitue une manière de les aider. Pour autant, ce devoir de soutien aux nécessiteux ne saurait impliquer l'obligation de généraliser la libre circulation de tous sans considération de frontières. En fait, les partisans d'une libre installation des pauvres dans les pays riches seraient sans doute les premiers à s'opposer au droit des riches à aller s'installer dans les pays pauvres - relent colonialisme oblige. L'argument selon lequel la pauvreté donne le droit de migrer revient à confondre deux questions qu'il serait préférable de distinguer : l'obligation faite aux riches d'aider les pays pauvres et le droit à la liberté de circulation entre les pays. » p. 28.

 

 

exodus Paul Collier livre

 

Résumé :

 

Au cours de la dernière décennie, le débat sur l'immigration a pris une place centrale en Occident. Pourtant, la complexité du sujet et l'extrême polarisation des partis pris ont empêché l'émergence d'une vision claire de ses enjeux réels, au moins en matière économique. Entre une ouverture laxiste des frontières et les fantasmes de fermeture totale, l'antagonisme des débats s'est durci. Professeur à Oxford, Paul Collier nous fait quitter les culs-de-sac fondamentalistes pour entrer dans une analyse rigoureuse et implacable des enjeux économiques du phénomène migratoire.
Il montre comment le creusement d'inégalités gigantesques partout dans le monde accélère les flux et risque de déséquilibrer dangereusement les relations entre les pays et le fonctionnement même de nos sociétés. Son immense mérite est de ne pas céder à une vision émotionnelle de l'immigration et d'en examiner les conséquences pour l'immigré lui-même mais aussi pour les pays de départ et d'accueil.
A rebours du discours le plus consensuel, il décrit, chiffres à l'appui, une réalité renversée où ce que l'on présente d'ordinaire comme un progrès revient bien souvent à une précarisation de la société d'accueil, à l'appauvrissement accru des pays de départ et à un monde toujours plus incertain. Exodus est d'ores et déjà considéré comme un classique dans le monde anglo-saxon.

 

 Mon avis :

 

Introduction :

L’immigration est bénéfique ? L’immigration est une nuisance ? Les migrants ne trichent pas ? Les migrants payent les retraites ? Tant de discours et de vérités contraires… Difficile de s’y retrouver. Pourtant, loin des discours remplis de pathos ou encore débordant d’idéologie politique, il existe des auteurs qui abordent cette question de manière plus honnête et rationnelle, où l’observation et les études sociologiques se disputent au clientélisme politique.
Pour autant je ne dirais pas que je suis d’accord avec tous les raisonnements de l’auteur ni avec tout ce qu’il avance. En effet, certains points ne tiennent pas compte des dernières découvertes en matière d’immigration, ni de la crise (moi j'appelle ça une invasion) migratoire venue d’Afrique et du Moyen-Orient, et par certain côté je trouve que ce livre a mal vieilli, mais il reste encore beaucoup de choses valables.

 

Avis général

Bien sûr dans un premier temps, on pourrait avoir par moment l’effet d’un auteur qui enfonce les portes ouvertes. Car en effet certaines choses sont déjà connues et même visibles, par exemple nous savons déjà tous que trop d’immigration ne favorise pas l’assimilation, d’où le fait qu’on lui préfère le multiculturalisme moins compliqué sur le papier mais source de nombreux problèmes identitaires, in fine de tensions. Nous savons tous également que l’immigration déstabilise les sociétés d’accueil et de départ, et les ruine. Néanmoins ce livre va plus loin que les sujets traditionnels normalement abordés dans ce genre de bouquin, enfin il les aborde aussi de manières différentes tous en se reposant sur des études et autres statistiques. En effet, il n’y a pas de pathos dans ce livre, Paul Collier fait preuve de mesure, de raisonnement, de projection, d’hypothèse, de choses établis, quand il aborde cette question migratoire. Certes, beaucoup de personne ont cette approche là, mais sur les livres que j’ai lu je n’ai pas souvenir d’avoir vu des études qui mettent tant à mal l’immigration et qui vont autant en profondeur sur les effets que produit l’immigration.

 

Pourquoi ils partent :

 

Mais avant d’en venir aux effets des déplacements de population, l’auteur va nous rappeler en quelques propos qu’elles sont les causes de l’immigration et qu’elles sont les attentes.
Pour le premier point, les causes, sont multiples comme on l’y s’attend : études ; regroupement familiale ; asile ; opportunisme ; fuite de la pauvreté ou de la guerre ; ou encore fuite devant les traditions barbares… les raisons ne manquent point. Quant aux attentes, elles sont généralement l’amélioration du niveau de vie dans l’immédiat ou le futur. Bien que des idéaux plus néfastes ne sont pas à exclure comme les poussées islamiques qui redessinent à l’envie les sociétés évoluées et non musulmanes.
Mais comme va le faire remarquer très vite Paul Collier et outre les choses les plus inavouables, la défaillance des états d’origine et la culture qui les représente, sont les premières raisons des départs. En sus, le peu de perspective professionnelle, le manque de service public et d’infrastructure, se rajoutent à cela, sans oublier sans doute les facilités du droit d’asile. Trop grande facilité, qu'il faut à mon avis franchement réduire.

« Les cultures - ou normes et narratifs - des sociétés pauvres, au même titre que leurs institutions et leurs entreprises, sont probablement la cause première de leur pauvreté. » p.56.

 

Conséquences :

 

Une fois cela fait, Paul Collier va aborder l’immigration d’un point de vue plus empirique. Et si vous trouvez dans le passage qui va suivre que l’économie et la culture se côtoient de près, sachez que c’est normal. En effet, puisque les mentalités agissent sur les comportements, comportements qui ont eux-mêmes des répercussions sur le domaine économique au sens large. Par exemple, quand l’auteur avance que l’opportunisme et la corruption qui dominent dans les pays en voie de développement sont sans doute les plus gros obstacles sur la voie du progrès et le bien-être de la population, c’est un exemple pour moi où la culture et l’économie se rejoignent. Puisqu’en effet, si nous prenons en compte les régimes malhonnêtes extrêmement présents dans les pays pauvres (culture), nous allons découvrir dans ces pages que cette corruption engendre à tous les niveaux de la société des défaillances qui se répercutent sur tout le pays (l’économie). La corruption et la mentalité qui va avec, n’encourageant pas en effet le modèle de coopération présent dans nombres de pays développés et qui permet in fine les retombées sociales notamment. Coopération qui facilite à côté le vivre ensemble, le fonctionnement des institutions ainsi que leur efficacité, puisqu’il faut voir la coopération comme une sorte de liant en cuisine. Sans la coopération pas d’acceptation, de cohésion, de compréhension possible, et sans cela impossible de faire fonctionner correctement une nation ni même d’en construire.
Bref, vous avez compris que quand on a la culture du profit, on n’a peu ou pas la culture du projet commun.

 

« Les migrants n'apportent pas seulement le capital humain généré dans leurs sociétés d'origine, mais également les codes moraux qui y sont en vigueur. [...]
Pendant la période considérée, les diplomates jouissaient d'une immunité juridique qui leur permettait de ne pas avoir à s'acquitter de ces contraventions ; la seule limite au contournement des paiements était donc celle que pouvaient éventuellement leur dicter leurs principes moraux. Fisman et Miguel ont constaté une grande diversité de comportement selon le pays d'origine des diplomates, en fonction, précisément, du niveau de corruption relevé dans le pays en question. Ces diplomates avaient donc importé leur culture avec eux. L'étude a également cherché à savoir si l'immersion dans la vie new-yorkaise avait permis aux diplomates concernés d'intégrer progressivement les normes de comportement locales : dans ce cas, l'incident du non-paiement aurait rejoint les étiages très bas observés parmi les diplomates venus de pays à faible niveau de corruption. Or c'est la tendance inverse qui a été observée : les diplomates des pays à fort niveau de corruption ont continué à ne pas payer d'amendes, tandis que ceux qui venaient de pays à faible niveau de corruption se sont montrés moins enclins à s'acquitter de leur dû. On peut donc raisonnablement déduire de ces résultats que les fonctionnaires internationaux étudiés ici, loin d'assimiler les normes des New-Yorkais, se sont plutôt ralliés aux usages propres à la seule communauté diplomatique. Si les attitudes adoptées vis-à-vis des amendes de stationnement reflètent la culture d'origine, il en va de même des comportements inspirés par la redistribution sociale. Geert Hofstede a tenté de mesurer systématiquement un vaste éventail de différences culturelles observables d'un pays à l'autre. Ses mesures sont corrélées a des différences de comportements globalement bien évaluées, comme le taux d'homicide. Aussi dérangeante soit cette observation, force est d'admettre que les différences culturelles produisent des conduites sociales très contrastées, et que les migrants introduisent leur culture dans les pays d'accueil. » pp.100-101.

« Il y a quelque chose de déstabilisant à observer la croissance d'une communauté qui affiche un faible niveau de confiance. Si le nombre de personnes préférant les conduites opportunistes aux stratégies coopératives croît à l'excès, les autres peuvent en arriver à juger inconséquente la poursuite de ces stratégies de coopération. L'ingrédient vital d'une coopération réussie, c'est qu'il se trouve assez de gens pour s'accorder à sanctionner ceux qui ne coopèrent pas. Mais si ceux qui adoptent des stratégies opportunistes plutôt que coopératives sont surreprésentés dans la population immigrée, la sanction peut être interprétée à tort comme une discrimination, ce qui freinera les ardeurs punitives des autochtones. En outre, d'autres membres du groupe d'immigré pourront considérer à tort la punition de leur opportunisme comme une discrimination à l'encontre de leur communauté et décider de punir en retour ceux qui appliquent ces sanctions destinées à imposer la coopération : rappelons-nous que dans les jeux coopération, ce sont les "supers méchants" qui sapent le plus efficacement le système coopératif. » pp. 109-110

 

Le problème de ce comportement, c’est qu’il ne s’arrête pas aux frontières. Quand une personne des pays pauvres passe en pays dit riches, la culture des personnes ne change pas. Les valeurs ne sont pas en suspension dans l’air… Pour en revenir au sujet, les études avancées ici ont effectivement montré que ces gens-là apportent avec eux leurs mœurs et leurs comportements, belle position sociale ou non. Cet opportunisme qui se hisse donc au-delà de tout, va avoir pour tristes conséquences de déstabiliser les pays qui ont pour schéma d’autres modèles de fonctionnements. Et notamment la coopération. Car même si dans les pays riches la corruption existe, les codes de coopération sont néanmoins davantage compris et acceptés par ces personnes-là et la population en général.
Mais la déstabilisation des pays riches, ne s’arrête pas à cette chose qui peut paraît abstraite qu’est la coopération, soit rejeter des moyens (humain, financier…) dans le système pour le bien commun. Non, très vite Paul Collier va montrer que c’est tout la société qui va pâtir de l’immigration. Et pas seulement d’un point de vue économique. Par exemple, le vivre-ensemble va être rendu difficile voire impossible, car il a été noté (et c’est très visible aujourd’hui) que le moindre interdit ou la moindre obligation, vont être perçus comme de la discrimination. Et comme nous le savons tous, ce point face à des nations trop soft sur les entorses à ses propres règles ou trop bienveillantes car le sentimentalisme règne hélas sur la question migratoire, font péricliter la stabilité des pays riches occidentaux. Ces pays qui accueillent en trop grand nombre des cultures trop différentes de la sienne. Oui, parce que dans les pays riches du golf la problématique ne se pose même pas.

 

« Sur un plan pratique, la fusion a des conséquences similaires à l'assimilation. Ma seule différence, c'est un risque potentiel : que l'efficacité du modèle social, à force d'hybridation, ne finisse par se diluer fâcheusement. Rappelons-nous qu'en termes économiques, toutes les cultures ne se valent pas. » p.147.

 

Toutefois, ce rejet par les migrants du pays d’accueil a également pour conséquence la possibilité de déstabiliser plus profondément les pays occidentaux. Effectivement, outre le fait qu’une diaspora élevée appelle toujours plus à l’immigration, et outre le fait que l’assimilation est rendue impossible puisqu’ils reproduisent ici leur société d’origine, l’auteur a noté – et cela a été visible dans différents pays comme l’Angleterre ou le Canada... – qu’un séparatisme devient difficile à éviter. Séparatisme politique, culturel, judiciaire, éducatif, etc. tout cela devient inévitable. Or n'oublions pas, que c’est la stabilité des institutions et l'union qui ont permis aux pays d’avancer sur la voix de prospérité. Sur ce point l’exemple le plus parlant se trouve en Angleterre dans la ville de Londres. Les autochtones étant minoritaires dans certains quartiers, Londres voit depuis quelques années une poussée démographique bangladaise qui tente actuellement de faire sécession avec les institutions anglaises. Cela est déjà visible dans le comportement de ces gens-là, il y a en effet une poussée du voile islamique (qui est donc islamiste) car il y a une volonté de montrer sa différence avec la population indigène britannique. Mais cela est également visible dans les comportements plus portés sur la politique et les institutions : une volonté de voir des tribunaux de type charia ; décorer la ville pour le ramadan (!) ; des mouvements politiques qui se fondent sur l’identité ethnico-religieuse ; des demandes personnelles sur le droit d’asile ; la fin de la liberté d'expression en accusant sans arrêt les gens d'islamophobie alors que ce sont les islamistes qui tiennent ce discours..., etc., etc.

 

« De plus, en devenant des citoyens à part entière, les migrants acquièrent le droit de vote et peuvent donc peser sur leurs représentants politiques pour qu'ils interviennent en leur faveur. En grande-Bretagne, on sait que dans les circonscriptions à forte population immigrée, jusqu'à 95% des demandes de rendez-vous avec le député concernent l'immigration d'un ou plusieurs parents. » p.233.

« En Europe, jusqu'à une période récente, la tendance dominante parmi les élites politiques consistait à épouser le multiculturalisme, interprété comme le droit à un séparatisme culturel permanent. Ce dogme et les politiques qu'il préconisait répondaient à la préférence pour le séparatisme culturel affirmée par diverses communautés d'immigrés, et la légitimaient. Ainsi, la répartition spatiale des lieux où résident les immigrés constitue-t-elle une manifestation objective du séparatisme.
[...]
Le recensement de 2011 a révélé que les autochtones britanniques étaient devenus minoritaires dans leur propre capital. L'importance de cette concentration se vérifie également dans les centres-villes. Selon un indices de ségrégation, sur 36 groupement communautaires en Europe, les Bangladais de Bradford composent la population la plus concentrée sur le plan spatial.
[...]
Le séparatisme s'exprime aussi dans les pratiques culturelles, quoique sous une forme moins aisée à évaluer. Cette tendance, qui ne caractérise pas tous les courants migratoires, a peut-être plus à voir avec l'essor du fondamentalisme islamiste qu'avec les politiques d'accueil. On observe par exemple que les musulmans français de la seconde génération sont moins enclins que leurs parents à inscrire leurs enfants dans les cantines scolaires. Les Britanniques d'origine bangladaise adoptent de plus en plus le voile intégral, alors qu'au Bangladesh lui-même les femmes ne le portent pas : dans ce cas il est clair que les immigrés ne s "accrochent" pas à des pratiques de leur société d'origine mais affirment leur différences avec la population indigène. En Grande-Bretagne, cette séparation culturelle a conduit à une suggestion émise par l’archevêque de Canterbury lui-même : la nécessité parlementaire d'introduire un système juridique parallèle, inspiré de la charia. On ne saurait mieux concrétiser l'importation par des migrants de leurs propres institutions.
Le séparatisme juridique est la dernière étape avant le séparatisme politique [...] On en a une démonstration lorsque les organisations politiques des pays d'origine se reforment dans les pays d’accueil. [...] En revanche l'année 2005 a vu l'émergence à Tower Hamlets d'un acteur plus affirmé avec la création par les musulmans britanniques de leur propre mouvement politique, baptisé Respect. A ce jour (2011), il a remporté deux élections partielles, l'une à Tower Hamlets justement, la seconde à Bradford, deux secteurs on l'a vu, à très forte concentration musulmane. Respect s'adresse aux électeurs sur la base de leur identité ethnico-religieuse. Il s'oppose ainsi farouchement aux grands partis politiques traditionnels. E Grande-Bretagne les électeurs peuvent voter physiquement ou par correspondance. [...] Dans une structure familiale où le chef de famille jouit d'une autorité considérable sur tous les membres, l'exécution à domicile du devoir civique peut faire l'objet d'influences inappropriées.
[...]
La municipalité actuelle de Tower Hamlets cherche à transformer son statut juridique et à passer de simple arrondissement au rang de municipalité, ce qui lui conférerait des pouvoirs considérables étendus. Compte tenu de la concentration spatiale déjà évoquée, l'aspiration persistante du séparatisme politique accoucherait sans doute de villes dominées par des partis politiques à dominante immigrée. Ce qui équivaudrait, au niveau municipal, à un transfère d'institutions issues de sociétés pauvres à une société riche.
[...]
Le transfère des institutions de sociétés d'origine vers les sociétés d'accueil inverse, non sans quelque ironie, la suggestion de Romer : en se comportant comme des colons, et peut-être sans en avoir pleinement conscience, les immigrés semblent appeler de leur vœux l'importation des institutions l'importation des institutions dysfonctionnelles... auxquelles ils avaient échappé en partant. » pp. 148-152.

 

Un autre exemple de séparatisme, c'est en France. (Et il n'y en a pas qu'un.) D’après l’auteur, les musulmans de la deuxième génération sont moins enclins que leurs parents à inscrire leurs enfants dans les cantines scolaires, dans l’idée probable de réduire le contact avec la République. Je pense cependant qu’il faut se garder - et comme il y a sans arrêt des nouveaux arrivants - de penser qu’aujourd’hui le problème ne se pose qu’à partir de la deuxième génération, nous pouvons introduire à présent les nouveaux arrivants dedans. Toutefois, gardons-nous bien d’élargir ce modèle à tous les types d’immigration, ici se sont les musulmans qui poussent à ce comportement, on ne trouvera pas ces problèmes avec une immigration japonaise par exemple. Cependant l’immigration asiatique au sens large, n’est pas dénuée de problème non plus. Comme l’explique l’auteur à juste titre, si trop d’asiatiques – qui sont les meilleurs dans les études – atteignent les plus hautes fonctions (juge, député…) une volonté de favoriser ce groupe ethnique pourrait apparaître plus tard dans les institutions, remettant ainsi en cause le fondement même de la société. Bref, avec tous ces exemples, on voit bien que l’immigration est plus un jeu d’équilibre où il faut avoir une vision à long terme, et ne pas nier les problèmes que la haine ou la résistance des immigrés qui se conduisent en colons, peut avoir sur l’équilibre d’un pays dans quelques années. Et l’auteur invite par conséquent à dépasser cette vision trop bienveillante de l’immigration. D’ailleurs s’il en voit la souffrance, il n’en fait pas des anges non plus.

 

Des personnes aux mauvaises intentions :

 

En effet, s'il ne nie pas que certains souffrent réellement, Paul Collier n’ignore pas ces migrants qui trichent avec les lois des pays pour rentrer par effraction dans ce dernier. Parler une langue, tricher sur l’âge pour faire croire que l'on est mineur isolé (d'où l'intérêt de rendre obligatoire une radio, et si refus c'est qu'il y a de facto mensonge sur l'âge), se brûler les empreintes digitales, la destruction des papiers d’identité, prendre volontairement un bateau à coque percée afin de s’assurer un droit d’asile, il n'ignore rien de cela. Ce qui est très agréable à constater. Je rajouterait en prime, n'ignorons pas leur crime et leur haine, par exemple Telford en Angleterre ou les innombrables blancs ou blanches agressés, violés, tués ici en France et ailleurs en Europe.

 

« Une autre façon de tricher consiste à se faire passer pour le membre d'une catégorie éligible à l'entrée. Dans les années 1980, la Suède avait adopté une très généreuse politique d'octroi de citoyenneté aux demandeurs d'asile venus d’Érythrée, alors province éthiopienne, en proie à la guerre civile. A mesure que les flux augmentaient, cette générosité s'est atténuée. En réaction, certains immigrés érythréens qui avaient acquis la nationalité suédoise se sont mis à prêter leur passeport à des amis ou à des parents très ressemblants : en cette période antérieure à la reconnaissance biométrique, les fonctionnaires suédois ont adopté une méthode de reconnaissance non visuelle : les Érythréens devenus citoyens du pays avaient inévitablement fini par apprendre un peu de suédois, alors que les aspirants-fraudeurs n'en parlaient pas un mot. Mais de même qu'in immigrant potentiel, ou le conjoint qui le rendra admissible, peuvent acquérir les compétences exigées, rien le les empêche d'apprendre une langue étrangère. Ainsi, en pleine guerre civile, dans un pays ravagé par la famine, il s'est trouvé des Érythréens assez désespérés pour apprendre la langue de Strindberg afin de se faire passer pour des citoyens suédois.
Au registre des subterfuges figure aussi le dépôt d'une demande d'asile. La répression implacable qui sévit dans de nombreux pays pauvre entraîne d'évidents effets en la matière. Symétriquement, les politiques d'accueil des demandeurs d'asile suscitent nécessairement les tentations de fraudes. Se faire passer pour un demandeur d'asile est d’autant plus répréhensible qu'un tel comportement sape la légitimité d'une institution humanitaire vitale. [...].
Reste une ultime option, coûteuse autant que risquée : c’est de tenter l'aventure migratoire sans visa, en essayant de franchir les barrières physiques érigées par les pays d’accueil. […] » pp. 229-230.

 

 Penser l’immigration :

 

Mais plus qu'exposer des cas de triche - et moi des faits graves - comme on en voit régulièrement de nos jours, Paul Collier va avant tout montrer que l’immigration demande ses limites : au nom des cultures des pays d’accueil qui ont le droit d’exister, au nom de la stabilité des pays et au nom de la distribution des richesses. L’auteur montre en effet que l’accueil des immigrés appauvrit les autochtones, et réduit leur chance d'accès à certains services comme l’accès aux logements sociaux par exemple, sans parler des effets négatifs sur les bas-salaires ou les loyers. « [...] La compétition pour le logement social a un impact bien plus flagrant : les immigrés ne sont pas seulement pauvres, mais ils se concentrent dans quelques quartiers déshérités. On peut supposer que les flux migratoires passés ont produit des effets significatifs. Une accélération persistante pourrait sérieusement restreindre l'accès des autochtones pauvres aux logements sociaux. Les immigrés doivent-ils bénéficier d'un droit spécifique au logement social ? Cette question qui fait l'objet d'un véhément débat politique soulève des questions éthiques complexes. Si les immigrés sont démunis en comparaison des autochtones, ils ont déjà bénéficié d'un effet d'aubaine considérable lorsque l'on compare leur niveau de vie avec celui qui serait le leur dans leur pays d'origine. Satisfaire cette tranche supplémentaire de besoins en logements suppose d'en priver un certain nombres d'autochtones qui sont eux-mêmes dans le besoin, du moins selon les normes de la société d'accueil. » p.168.

Bien que la citoyenneté soit d'abord un concept juridique, elle n'aura de véritable consistance morale que si elle repose sur un socle de considération mutuelle. La citoyenneté ne se résume ni à l'accès aux prestations de l’État, ni au respect obligatoire de la loi. Elle se définit d'abord par une position envers autrui.
La fourniture pérenne de biens publics dépend de la capacité des immigrés comme la population indigènes à faire preuve d'une considération mutuelle équivalente à celle que les autochtones se témoignent entre eux. Si la préservation de la différence culturelle, malgré la menace potentielle qu'elle représente pour les biens publics, est considérée comme un droit de l’individu, une tension s'installe entre cette différence culturelle et le droit individuel au logement social que la culture indigène, et elle seule, a rendu possible.
En plus de participer à la course au logement social, à mesurer que les immigrés s'établiront, ils accéderont au marché du logement privé, tirant à la hausse les loyers et prix de vente des biens immobiliers. Une estimation récente de l'Office pour la Responsabilité budgétaire britannique évalue à 10% le surcoût du prix au mètre carré lié à la migration. » pp. 169-170 .

 

Il montre également que les politiques trop généreuses empêchent l’assimilation.

 

« Les effets des politiques multiculturelles sont aisés à mesurer : aptitude réduite des migrants à assimiler la langue nationale (ce qui, nous savons, amenuise la volonté de coopérer dans la fourniture de biens publics) et ségrégation spatial accrue. Koopmans a également constaté qu'un système d'aide sociale généreux ralentissait l'intégration en incitant les immigrés à stagner au bas de l'échelle sociale. Bien sûr, la population indigène n'est pas épargnée par cette tentation, mais cette dernière a davantage de prise sur les immigrés, habitués à un niveau de vie considérablement inférieur. Même les minima sociaux leur semblent attractifs : l'efficacité des incitations à décrocher un travail et donc un revenu plus substantiel s'en trouve atténuée d'autant. La conjugaison de ces deux facteurs, ralentit l'intégration sur le lieu de vie comme dans le monde professionnel, et ce d'une manière significative, si l'on en croit les chiffres de Koopmans. » p. 158.

 

Même si l’auteur voit par certain côté des bénéfices à l’immigration, encore qu’ici en France ce qu’il dit est difficilement croyable car on n'a pas la même immigration qu'aux Etats-Unis par exemple, Paul Collier invite malgré tout à réfléchir sur les politiques migratoires. Qui pour certaines font passer l’économie avant en oubliant les problèmes sociaux plus tard, « Mais pour d'autres, la porte ouverte [à l'immigration] pourrait bien constituer une option à courte vue : un boom économique temporaire, suivi de problèmes sociaux complexes et durables. » p.200 ; et qui pour d’autres fonctionnent au sentiment en ruinant un pays sur tous les plans. La politique migratoire ne doit pas fonctionner au sentiment. Jamais. Rien de bon n'en sortira si la question est abordé avec le pathos. « La question migratoire, on le voit, est chargée d'émotivité, mais réagir dans l'émotion à ses conséquences présumées n'est pas un gage de cohérence politique. Pourtant en matière migratoire, la politisation tend à supplanter l'analyse » p.22.


Enfin, soulignons également que l’immigration massive vers les pays riches, n’est pas non plus une solution pour lutter contre la pauvreté dans le monde. Et ce, même si ici les immigrés sont toujours plus riches que là-bas (et encore les maisons au bled on les ignore souvent ici). Enfin d’un point de vue personnel, je trouve que l’encourager comme le font certains politiques ou passeurs criminels déshumanistes comme les associations, c’est de l’infantilisation voire du racisme. C'est sous-entendre que ces populations sont des incapables. Et n'ont pas d'autre choix que de partir. Gros jugement de valeur.

 

Limites et accords avec l’auteur :

 

Cela étant et comme je le disais au début, je ne suis pas toujours d’accord avec l’auteur. On sent dans ce livre qu’il n’y a pas certains paramètres apparus récemment comme le nauséabond wokisme ou encore le rejet de l’Occident. Contrairement à ce que raconte l’auteur, aujourd’hui un étudiant chinois ne sera pas forcément un transmetteur des valeurs occidentales en Chine. Pour exemple, j’ai lu dans un livre Dictature 2.0 que le professeur universitaire allemand s’était fait reprendre par un étudiant chinois, car il en critiquait le gouvernement chinois… Nous voyons également aujourd’hui, que les africains et musulmans rejettent les valeurs occidentales ou les détournent en leur faveur, mais en défaveur des pays d’accueil. Nous savons aussi, que leur haine de l’Occident et du non-musulman est incommensurable... Nous savons encore, que les immigrés et leurs descendants, ne font pas moins d’enfants ici, ils sont mêmes plus reproductifs à cause des aides sociales. Le grand remplacement est une réalité. Je site ici le magazine Causeur de septembre 2021.

 

« Il importe de tenir compte du différentiel de fécondité entre les femmes descendantes d’autochtones (moins de 1,8 enfant par femme en moyenne en 2017), les femmes descendantes d’immigrés (2,02 enfants par femme en moyenne) et les femmes immigrés (2,73 enfants par femme en moyenne). Cette fécondité varie fortement selon l’origine des femmes : 3,6 enfants par femme en moyenne pour les immigrés algériennes, 3,5 enfants par femme pour les immigrées tunisiennes, 3,4 enfants par femme pour les immigrés marocaines et 3, 1 enfants par femme pour les immigrés turques, ce qui est le plus élevé que la fécondité de leurs pays d’origine (respectivement 3 ; 2,4 ; 2,2 ; 2,1), »

 

Autre désaccord avec l'auteur, son idée sur l’aide au pays en développement qui devrait être perçue comme une sorte de retour d’investissement et non comme un don, est des plus absurdes. Je pense sérieusement que Paul Collier a fumé en écrivant cela et en en faisant une généralité. En France contrairement aux États-Unis par exemple, l’immigration qui nous envahie n’est souvent en rien une chance, car la notre est principalement sous-qualifiée et profitent d'avantage du système de solidarité nationale sans apporter à côté de cela de réelle richesse. Donc on voit que ce système de pensée est un peu benêt.
Idem. Dans le genre idée foireuse, l’auteur a soulevé l’idée d’accueillir les migrants fuyant la guerre tant que la guerre dure. Étant donné que les guerres peuvent durer des décennies c’est clairement une idée absurde. Surtout que les hommes qui fuient c’est anormal, ils doivent d'abord se battre pour leur pays et non fuir. En Ukraine les hommes sont restés. Pourquoi pas ailleurs ?
Bon, néanmoins l’auteur soulève parfois quelques problématiques intéressantes, comme par exemple : la réciprocité. En clair, un immigré venu d’Occident qui va dans un pays pauvre doit pouvoir avoir le droit de faire chez eux ce qu’il fait chez-lui. En fait, la réelle question qui se pose, est de savoir jusqu’à quel point un immigré ici et qui ose manifester pour pratiquer ses coutumes ou revendiquer ses droits, accepte qu’un occidental fasse la même chose chez-lui. Accepterait-il qu’un occidental se comporte dans son pays lointain comme un occidental se comporte en Occident ? Si oui tant mieux, si non, il n’a rien à exiger ici. Autre exemple, un immigré peut-il exiger ici, ce que son pays natal refuse aux minorités ?

 

« Bien que tombée en désuétude, l'assimilation présente de substantiels avantages, non seulement pour les indigènes mais pour tout un chacun. Sur le plan éthique elle est cohérente avec la règle d'or qui veut que l'on traite autrui comme on voudrait qu'il nous traitât. Surtout, d'un point de vue éthique, les immigrants issus de sociétés pauvres ne peuvent défendre une conception multiculturelle qu'à condition d'avoir soutenu la même position dans leur pays d'origine. Mais le séparatisme culturel, dans les sociétés pauvres, a rarement été couronné de succès. Montalvo et Reynal-Querol estiment justement que le séparatisme culturel dans les pays pauvres accroît l'incidence des violences intergroupes.
De leur côté, les avocats les plus acharnés de la séparation culturelle qualifient l'assimilation de "génocide culturel". Inexcusable usage, en l’occurrence, d'une locution dont l'impact émotionnel devrait être réservé aux terribles situations où elle s'impose réellement. Dans leur pays d'origine, les cultures d'immigrants suivent un développement soumis à une dynamique qui leur est propre. On ne voit pas quel motif éthique justifierait qu'en contrepartie de son admission, un migrant ne fût pas invité à assimiler la culture indigène. Pour le formuler plus concrètement, doit-on attendre des migrants qu'ils apprennent la langue du pays d'accueil ? La langue est un trait d'union extrêmement utile, bien sûr : sans un langage commun il sera difficile, par exemple, de s'entendre sur une politique commune. Mais plus encore la langue joue un rôle important de considération mutuelle : rappelez-vous cette étude consacrée aux immigrés mexicains en Amérique, qui montrait que ceux d'entre-eux ayant appris l'anglais étaient plus enclins à coopérer dans la fourniture de biens publics. Les immigrés qui rechignent à apprendre la langue locale sont davantage prédisposés à profiter sans contrepartie des biens publics qu'une langue commune a permis de créer. En outre ils risquent fort de ne pas se sentir assujettis à la règle d'or de la réciprocité : accepteraient-ils que les immigrants s'installant dans leur pays d'origine ne fussent pas non plus tenus d’apprendre la langue locale ? » pp 145-146.

 

Bref, sur la longueur et sur la quantité, nous le voyons bien, l’immigration n’est pas une chance. Les différences de culture, de valeur, de comportement… couplées à une politique sentimentaliste qui rejette le nationalisme dans son sens bénéfique (la nation c'est ce qui fait avancer le pays n'en déplaise aux idiots de gauche) ou encore l’assimilation, sont néfastes pour le futur des nations riches . Car la stabilité du modèle et l’entente sont sérieusement remises en cause par les mouvements migratoires souvent hostiles. Néanmoins d’un point de vue des pays de départ, l’émigration semble être un peu plus une aubaine pour celui qui part. Si le candidat au départ réussit, sa vie sera meilleure que s’il était resté aux pays. Il pourra envoyer de l’argent à sa famille restée là-bas (paye ton PIB !) ou mieux (enfin pire) la faire venir. Il pourra aussi retourner dans son pays d’origine plus riche d’expérience et d’argent, afin de construire son pays (ça c’est de l’utopie). Mais comme chaque médaille à son revers, l'immigration sans limite c'est aussi voler les forces vives de ces pays qui en ont besoin.

 

Un dernier mot :


En résumé, c’est un livre à lire, mais il faut regarder ce livre avec les dernières études, le comportement des immigrés ou des descendants ici, et faire la différence entre les pays d’immigration. Ce qui peut être vrai pour un pays, ne sera pas forcément vrai pour un autre. Quoi qu'il en soit, quand on lit ce livre on comprend un peu plus la nécessite de revoir les traiter internationaux ou autres, de durcir les lois contre l'immigration légale ou non, de reprendre le contrôle sur nos frontières et de construire des murs. Après tout un pont n'a d'intérêt que s'il existe des murs.
Un livre à lire, pour se faire une meilleure idée du désenchantement du monde si le multiculturalisme continue à être une norme dans les pays riches.

 

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