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Encre d'époque.
20 mars 2024

L'exil des monarques : entre abdications et reconquêtes du pouvoir, Sous la dir. d'Hélène Becquet

 

Résumé :

 

La Révolution française inaugure une période de profonde instabilité politique au cours de laquelle la France se cherche un nouveau régime pour succéder à une monarchie qualifiée d'absolue. Dans cette recherche d'un gouvernement stable, plusieurs dynastie se sont vu proposer un trône. Après l'échec de la maison de France, les Bonaparte, les Orléans ont chacun tenté une synthèse politique sans davantage parvenir à se maintenir.
A chaque abdication, les princes prennent la route de l'exil, un exil à chaque fois regardé comme provisoire, à raison dans un premier temps, à tort sur le long terme. L'histoire de France a ainsi ceci de spécifique que ce n'est pas une dynastie qui a quitté le pays, mais bien trois, voire quatre si l'on ajoute la branche espagnole des Bourbons à la fin du siècle. Il y a ainsi pléthore de prétendants à un même trône, ce qui n'est assurément pas pour rien dans la victoire finale de la république en 1789.
L'exil n'est synonyme d'échec qu'à posteriori. Jusqu'en 1950, l'Europe reste majoritairement monarchique. Les prétendants représentent une alternative politique soit à la dynastie en place soit à la République. Aussi, leur exil n'est pas oisif : depuis l'étranger, ils ont pour but non seulement leur retour, mais leur rétablissement.
De Louis XVIII, premier roi exilé, jusqu'à la levée des lois d'exil de la République en 1950, l'ouvrage réfléchit à ce que représentaient politiquement ces monarques en exil, pour les Français mais aussi pour les autres monarchies européennes, qui ont pu voir en eux une légitimité de rechange.

 

Mon avis :

 

 

L'exil des monarques est un livre qui permet d'approcher une thématique assez peu abordé pour le grand public (sauf en cas de biographie) : l'exil. Qu'est-ce que le quotidien de ces exilés ? Que font-ils ? Comment évoluent-ils ? C'est à ces questions que les chapitres ici présents vont répondre.

 

Pour commencer, des Bourbon légitimistes aux Orléans, en passant par les Bonaparte, la série d'historien présents dans le livre va nous montrer que l'exil, et quelque soit le personnage, n'annonce pas forcément la fin d'une ambition politique. Toujours en effet, rois, princes ou empereurs en exil se tiennent au courant de l'évolution politique de la France, afin de s’engouffrer dans la moindre brèche pour revenir au pouvoir. Par la force ou par la voix légale, pour eux ou pour leur proche et très souvent temporairement, cette volonté de reprendre le pouvoir peut tantôt marcher comme avec Napoléon III ou encore Louis XVIII, mais peut tantôt ne pas se faire du tout.
Effectivement, même si certains comme Napoléon III ont réussi leur but d'accéder au pouvoir car ils avaient un projet politique ou qu'ils avaient la modernité chevillée au corps, d'autres ont cependant raté leur coche avec l'histoire du fait des positions tenues et jugées trop traditionalistes, comme se fut le cas avec le comte de Chambord et la question du drapeau tricolore.

 

Bien sûr, ces choses-là posent la question des réseaux et des soutiens, vous vous en doutez bien. Et ceci est un autre point important qui revient régulièrement dans le livre. En effet, un monarque déchu et frappé par la loi d'exil, ne surgit pas de nulle part en faisant un petit signe de la main à la population qui le porterait ipso facto sur le trône. Non. Pour expliquer pourquoi ces rois sans couronnes sont encore si actifs à l'époque et ont des réseaux, il ne faut pour commencer pas oublier que la monarchie ou l'empire étaient encore proche des contemporains de l'époque ; donc encore dans les esprits et une réhabilitation dans un siècle qui ne manque pas de révolution pas impossible à envisager. En outre, il ne faut pas oublier non plus que les réseaux sont souvent tenus par des idéologues, ou par des familles qui ont tout perdu de la chute du régime, ce qui explique ces soutiens qui œuvrent à faire changer l'opinion ou à la jauger.
Néanmoins, ces réseaux qui peuvent s'exprimer par la presse ou par des personnalités politiques, peuvent aussi montrer très vite leurs limites. En effet, ces derniers ne sont pas sans attentes vis-à-vis des prétendants, ils attendent d'eux une ligne de conduite ou encore certaines positions qui peuvent les desservir vis-à-vis d'autres soutiens. Et quand cette dernière n'est pas tenue, comme se fut le cas avec le Comte de Paris avant et durant la Seconde Guerre Mondiale, les soutiens s'éloignent comme avec l'Action Française par exemple.

 

« Depuis le Maroc, Bruxelles étant occupée par les Allemands, le prince multiplie les contactes tous azimuts, se proposant comme recours sans jamais s'engager clairement dans la dénonciation de Vichy et de l'Occupation, à la déception des monarchistes et maurassiens résistants. » p. 208.

 

A l'inverse, d'autre comme le prétendant au trône impérial Félix Bonaparte, fera dissoudre les courants bonapartistes afin que ces derniers ne se fourvoient pas dans la nazisme ou la collaboration. Certains au nom de l'histoire, sont prêts à sacrifier beaucoup de choses, même s'il semble que le prince Napoléon dédaigne un avenir politique par la suite. Mais soyons honnêtes, plus le temps passe moins ils y croient. Surtout que les obstacles financiers ou politiques ne manquent pas au fur et à mesure du temps qui s'écoule...

Mais il est cependant amusant de voir comment ces têtes couronnées gardent une certaine idée de la France et de son service, et ce malgré le rejet. Comme le prince Murat qui meurt le 20 juillet 1944 ou le prince Bonaparte qui - et difficilement étant donné les lois d'exil – se battent contre les allemands. Il est aussi désolant de voir comment ces combats ne le serviront pas tout de suite.
Et je ne parle pas des princesses qui deviennent infirmières et de ces prétendants qui font de leurs châteaux des hôpitaux. Même éloignés par la force de l'histoire et de la politique ils restent français et veulent servir leur pays.

 

« La déclaration de guerre de 1914 permet au duc d'Orléans de jouer une autre scène de son répertoire : il demande à servir son pays mais cela lui est refusé. Accepter cette mise à l'écart de l'Union sacrée sans rien tenter aurait été reconnaître la légitimité de la loi d'exil. Il ne reste, pour participer au conflit mondial, que les services sanitaires, châteaux de la famille transformer en hôpitaux et princesses en infirmières ; et surtout les interventions diplomatiques auprès des souverains issus de la dynastie. Le prétendant autorise son cousin le duc de Guise à aller sur les instances du Quai d'Orsay auprès de Ferdinand de Bulgarie en 1916, pour le convaincre de ne pas s'engager dans le conflit du côté de la Triplice au nom de la solidarité dynastique. […] Le duc de Guise ne réussit pas à convaincre son cousin, ce qui fragilise la position des Orléans, qui échouent à traduire le lien dynastique en capital diplomatique. » pp. 195-196

 

Enfin, et bien que ce livre aborde beaucoup le pan politique des représentants au trône de France, il prend également le temps de s'attarder sur la vie domestique et privée de ces gens-là. Le train de vie qui baisse mais qui garde quand même un certain standing. Les liens entre les différents monarques, qui ne sont pas non plus sans méfiance, et entre les différentes branches de la famille. La manière dont ils gèrent leurs biens restés en France. Ce qu'ils font comme étude ou occupation, etc. Bref, ce livre prend intérêt à s'attarder sur tout pour nous faire partager au plus près cette vie de proscrit, mais aussi les querelles dynastiques.

 

En résumé, ce livre retrace donc la vie de ces prétendants ou rois en exil depuis la Révolution française. A chaque chapitre, un homme et sa famille, ce qui facilite la lecture. A chaque chapitre se montre, et c'est la conclusion, l'efficacité qu'a eu l'exil sur l'avenir de ces familles et qui rendent anecdotique la monarchie dans cette République qu'a fondé le dernier monarque sans doute : Charles de Gaulle.

 

Merci aux Éditions Armand Colin et Babelio.

 

 

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