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Encre d'époque.
13 octobre 2021

Onze énigmes de Louis XI de Lydwine Scordia

 

"Prince, il est un bois que décore
Un tas de pendus enfouis
Dans le doux feuillage sonore.
C'est le verger du toi Louis !"

Le verger du Roi Louis de Théodore de Banville

 

 onze énigmes de Louis XI livre

 

Résumé :

Louis XI a-t-il empoisonné son père, Charles VII, délaissé la reine Charlotte de Savoie et maltraité sa fille, Jeanne de France ? Sa passion pour la chasse, ses choix vestimentaires, son mépris pour les usages de la cour étaient-ils compatibles avec la dignité que l'on attendait d'un souverain ?
Adepte d'une ironie cinglante, doté d'une intelligence redoutable, faisant ostensiblement fi des honneurs, manifestant son impatience lors des cérémonies, cruel avec ses adversaires comme avec ses anciens favoris, préférant corrompre ses ennemis plutôt que batailler, on le surnommait « l'universelle araigne » en raison des pièges qu'il tendait à ceux qui s'opposaient à lui. Il a, dès le XVe siècle, suscité une légende noire qui fit de lui un roi singulier en rupture avec ses prédécesseurs. Pour autant, fut-il le premier des souverains modernes ?
Point par point, retour sur ces rumeurs et ces faits vrais qui ont nourri tous les fantasmes.
Lydwine Scordia, agrégée et docteur en histoire, enseignant-chercheur en histoire médiévale à l'université de Rouen, a reçu le Prix Provins Moyen Âge (2010) pour l'édition du Livre des trois âges. Elle est l'auteur de Louis XI. Mythes et réalités (2015) et a codirigé Images, pouvoirs et normes. Exégèse visuelle de la fin du Moyen Âge (2018) et Le Cœur politique à la Renaissance (2019).

Mon avis :

Je vais être franche, quand je faisais mes études d’histoire et que l’on parlait de Louis XI, je trouvais toujours que c’était sous des traits flatteurs. Pas flatteur dans le sens panégyrique, mais flatteur dans le sens où Louis XI était vu comme un roi calculateur qui ne laissait rien au hasard, ce qui en faisait par extension un roi à l’intelligence incommensurable.
Ce côté de « l’universelle araigne » constamment mis en avant par mes profs, me faisait penser que les historiens exagéraient ses traits, et que l’on attribuait à la stratégie ce qui n’était parfois que pur hasard. Avec ce livre je révise clairement ma position : oui, Louis XI était un roi calculateur et très intelligent. Un roi pour lequel je ne cache pas à présent une certaine admiration ; roi novateur, ayant cassé avec les codes anciens, cet homme avait tout compris du pouvoir, de la nature humaine et de la politique. Tout.

La légende de louis XI ne s’arrête pourtant pas à l’image de « l’universelle araigne », celui qui tisse sa toile pour y piéger ses ennemis et dont les cages de fer en font le symbole (cages qui n’avaient rien d’anormales à l’époque). En effet, on l’a dit aussi superstitieux, homme de peu de foi, ne respectant ni femmes ni enfants, ignorant le gouvernement avec conseil (ce qui le rapproche souvent de Louis XIV), etc. De cette légende tenace que la littérature a gravé dans le marbre - non sans une pointe d’admiration ou de dédain -, qu’elle est la réalité sur ce roi capétien ? Comment comprendre les mots et les faits, afin de ne pas sortir Louis XI de son temps ? Comment interroger les mémoires et autres sources de son époque ? C’est à ces questions que Lydwine Scordia va répondre. A travers onze questions qui vont permettre d’avoir une approche globale et fine de Louis XI et son époque, l’historienne va immerger le lecteur dans la seule grille de lecture possible, celle du temps du Roi Louis.

Je l’ai dit, Louis XI souffre d’une mauvaise réputation : les cages de fer, la misogynie, le parricide, la superstition… à peu près tout ce qui existe peut lui être reproché. Si ce n’est pas le portrait du diable, c’est le portrait de personne. Pourtant, quand comme Lydwine Scorida, on s’arrête sur les mots et qu’on les compare aux faits, que l'on remet ces derniers dans leur époque, on se rend très vite compte que la réalité est plus nuancée, et que de fait on accole à Louis XI des jugements qui n’ont pas plus lieu d’être pour ce roi que pour un autre. Comme lorsque par exemple, on reproche au dauphin d’avoir empoisonné son père Charles VII.
La longue agonie de Charles VII et son refus de s’alimenter ont souvent entretenu l’idée que ce dernier avait peur d’être empoisonné, et pourquoi pas par son fils qui n’a jamais caché son aversion pour son père. L’idée suivante qui raconte que le fils a détruit l’œuvre politique du père a égalrment fait tendre le fil de l’histoire de ce côté-ci ; pourtant, lorsque l’on regarde plus longuement les faits, on se rend compte que Louis XI n’a pas réduit l’œuvre politique de son père à néant, pas plus que son père. Effectivement, même s’il a voulu imposer sa marque et indiquer ainsi à tout le monde que c’était lui désormais le roi en éloignant du pouvoir les conseillers paternels, ce dernier a dans un second temps rétropédalé en rappelant des conseillers plus doués en politique que la masse nouvellement nominée.

« Plus exactement il faut distinguer les périodes et contextualiser son hostilité à l’égard du roi. De 1440 à 1465, elle est patente et avérée ; le tournant a lieu entre 1462 et 1467, quand Louis, devenu roi à son tour, réintègre peu à peu les serviteurs de son père et se repent publiquement – est-ce si fréquent ? – de son erreur politique. » p. 23

« Il faut mettre au jour, car elle est peu connu, l’admiration de Louis XI pour l’œuvre accomplie par son père. Le roi a pérennisé les réformes militaires de Charles VII : instaurer une armée permanente, désormais soldée par un impôt permanent. » p. 23

Certes, Louis XI détestait son père et était impatient de régner, n’en faisons pas un enfant fidèle et respectueux ! Pour autant, il n’a jamais tué son père physiquement ou politiquement malgré ses libertés et opinions. Ces rumeurs devenues légendes, émanent de personnages qui avaient des comptes à régler avec le roi, comme Thomas Basin écarté lui aussi du pouvoir ou encore Charles le Téméraire son grand ennemi. Et c’est grâce à cette remise en contexte que l’on comprend mieux la légende noire de Louis XI. En effet, pour mieux dénigrer un roi, pourquoi ne pas l’accuser tous les maux ? Ou encore grandir le monarque suivant ou précédent ? Pourquoi ne pas oublier ce qui s’est produit auparavant ? Louis XI souhaitait la mort de son père, ce qui était terrible pour beaucoup de ses contemporains. Mais après tout, il n’était pas le premier, « un siècle plutôt, le dauphin Charles (futur Charles V) ne cachait pas le peu d’estime qu’il avait pour le bon roi Jean II le Bon, ni ses ambitions réformatrices aux côtés de Charles de Navarre (parti des seigneurs). » p. 23.

On le voit, grâce au travail de Lydwine Scordia, Louis XI a souffert surtout de quelques personnages qui avaient les dents dures et longues comme des puits de pétrole. Mais est-ce pour autant tout injustifié ? Que nenni ! Louis XI ne possédait pas un immense amour pour ses sujets contrairement à ce que veut l’usage chrétien. Louis XI pouvait se montrer cruel avec ses ennemis - le futur Louis XII en a soupé -, ou encore désagréable envers sa famille. Pour autant, sur ce dernier point l’autrice met bien en avant l’intérêt qu’il porte au dauphin. Il a réellement peur qui lui arrive malheur d’où le fait qu’il l’éloigne du monde par intérêt protecteur, surtout que c’est son unique successeur. Ceci nous montre donc plusieurs choses sur Louis XI, d'une part il ne laissait rien au hasard et possédait sa vision du monde qui engendrait elle-même une pratique, et d'autre part seuls les intérêts divergents faisaient qu’il avait un comportement envers une personne et pas une autre. Mais hommes ou femmes, les proches comme les ennemis, ils étaient néanmoins tous logés à la même enseigne. Pour la critique de ce roi il va falloir alors de prendre de la hauteur...

Nous l'avons vu, sur beaucoup de points Louis XI est un roi qui casse les codes au mépris de la permanence, des opinions, de la chose établie. En cela il est un roi moderne, dans le sens où il se dirige vers la nouveauté, ce qui pouvait être mal perçu de son temps - car au XIXeme siècle c’est un comportement qui plaît.
On l’oublie également souvent dans sa légende noire, mais il ne faut pas oublier de  voir Louis XI comme un roi pragmatique. Il est un roi qui prend ce qui lui sert car l’intérêt politique passe avant tout le reste, toutefois il jette le reste sans scrupule. Déplaire à la population comme aux grands du royaume ne l’empêche pas de dormir, faire feu de tout bois non plus. Il tient pour beaucoup du Prince de Machiavel. Celui pour qui le but justifie tous les moyens. La chevalerie, il la laisse à d’autre. Ce n’est pas un roi rêveur mais un roi réaliste. Il le porte sur lui – il peut avoir l’air miséreux  – et fait montre de ce caractère en politique, comme lorsque et malgré le traité de Picquigny (1475) il paye les anglais afin qu’ils restent à leur place lors de sa guerre contre le Téméraire. (A cette date la Guerre de Cent ans est techniquement gagnée pour notre époque, mais pour Louis XI le risque d’une invasion anglaise est encore très réelle.)
A travers ce portrait en onze questions nous allons donc voir toute l’intelligence de cet homme à qui rien n’échappait, qui ne laissait rien au hasard.

En conclusion, ce livre était addictif. De page en page et grâce au travail de Lydwine Scordia, nous allons redécouvrir le portrait d’un roi qui n’a pas son pareil (sauf Louis XIV par certains côtés) ainsi que la construction de sa légende noire. Grâce à un travail de contextualisation, une grille de lecture strict et logique, une approche critique des sources, l’historienne Scordia nous donnera toutes les clefs pour prendre de la hauteur sur ce personnage et même l’histoire. 

 

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