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Encre d'époque.
1 novembre 2020

Une histoire du monde en 12 cartes de Jerry Brotton

 

 

une histoire du monde en 12 cartes

Résumé :

La carte n'est pas le territoire : malgré leurs visées scientifiques, les cartes sont toujours subjectives, et intimement liées au contexte dans lequel elles naissent. Les cartographes ne se contentent pas de représenter le monde : ils le construisent, à partir des idées de leur époque et, de leur culture. Telle est la thèse de Jerry Brotton, et le point de départ de cet extraordinaire voyage à travers le temps et l'espace.
En observant à la loupe douze cartes du monde, il ouvre autant, de fenêtres sur des civilisations aussi différentes que la Grèce antique et la Corée du XVe siècle, l'Europe des grandes découvertes et celle de la Révolution française, jusqu'au monde globalisé d'aujourd'hui, placé sous l'oeil de Google Earth. A l'issue de ce périple aussi captivant qu'instructif, on aura appris une foule de choses : saviez-vous de quand date l'habitude de placer le Nord en haut d'une carte ? quel planisphère a donné son nom à l'Amérique ? et vous doutiez-vous que, malgré les apparences, les cartes d'aujourd'hui ne sont pas plus définitives ni plus objectives que celles d'autrefois ? Lecteurs de ce livre, vous ne regarderez plus jamais votre GPS de la même façon.

Mon avis :

Est-ce que vous voyez cette phrase de Perceval dans la série Kaamelott, où il dit qu’il ne comprend rien aux cartes ? Oui ? D’une part bienvenues dans la secte de Kaamelott, et d’autre part sachez que cette phrase est valable pour beaucoup d’entre nous. En effet, qui pourrait imaginer qu’il est si difficile de faire une carte ? De deviner ce qu’elle raconte ? De  deviner la longue réflexion qu’il y a eu sur cette science ?

 Bretagne | Wiki Kaamelott Officiel | Fandom
Carte d'Hervé de Rinel dans la série Kaamelott.
F
allait bien que je la mette pour indiquer à quel point il n'est point aisé de dessiner une carte.

Partant de 12 cartes mondiales, l’auteur va nous faire plonger dans les racines de ce que nous appelons la géographie aujourd’hui. Commençant par nous apprendre l’origine philosophique de cette matière, ainsi que de cet art de se représenter dans le monde et de s’interroger dessus, Jerry Brotton va peu à peu nous montrer l’évolution de cette matière dans l’histoire et le temps présent. De la première carte connue au monde à Babylone, jusqu’à celle de Google Earth, en passant par la carte du monde Kangnido où l’on découvrira que parfois l’erreur est volontaire pour affirmer une dynastie, nous avons droit dans ces pages à tout un panel de problématique qui nous montrera comment une carte peut parler de tous les sujets qui la touche de près : religion ; argent ; foi ; pouvoir… Balayant ainsi l’idée bien acquise qui nous fait croire qu’une carte ce n’est qu’un outil pour se repérer et cartographier la terre.

détail carte
Détail carte Hereford. Vision eschatologique de la Mappa Mundi.

D’ailleurs en lisant ce livre, nous nous rendrons très vite compte qu’au-delà du raisonnement religieux, philosophique, mathématique, géométrique, cosmographique… il est impossible selon l’auteur d’avoir une carte juste pour des raisons de méthode et de questionnement. Allez, avouez, vous ne vous attendez pas à quelque chose de si compliqué quand vous regardez une carte ?!

Bien au-delà de tout ce bouillonnement d’idées, de finalité et de questionnements, l’autre atout de ce livre c’est qu’il prend vraiment le temps – les chapitres sont assez longs – de contextualiser toute l’époque qui entoure ces cartes. Alors certes, ça crée un livre très dense avec beaucoup d’information par page à l’arrivée, - votre tête risque même d'exploser à certains passages -, mais grâce à cela nous comprenons néanmoins mieux l’évolution des cartes, et plus généralement l’évolution des idées et des sociétés.
Nous allons en effet (re) découvrir comment pour se créer, les cartes se servent des découvertes comme celles rendues possibles par la navigation, ou encore comment elles sont sources de progrès. A tel point que le progrès dépassera plus ou moins vite les cartes antérieures, ceci est bien visible lors de la Révolution et l’Empire de Napoléon 1er où  la carte de Cassini plutôt récente montrera vite ses limites. Plus amusant fut par contre l’acharnement des chercheurs à vouloir rester fidèles à un modèle admis et qu’ils pensaient juste voire intouchable, comme ce fut le cas avec Ptolémée ; où l’on découvre que pendant très longtemps que les recherches ont fait muter en même temps les écrits du géographe antique, tout en restant fidèle à l’esprit de son œuvre ! De l'exploit.

« Mercator lui-même paru rester indifférent à son invention et passa les trente années de sa vie à travailler sur son projet cosmographique – dont la Chronologia et la carte du monde n’étaient que deux éléments parmi tant d’autres. En 1578, il publia une édition de la Géographie de Ptolémée qui reproduisait soigneusement les cartes du géographe grec, devenues des curiosités historiques : c’était là une représentation importante, mais désormais inutile, de la terre telle qu’elle était comprise par le monde grec. Cette édition, dans les faits, sonna le glas de l’influence du géographe antique sur la cartographie de l’époque. Désormais, les cartographes traceraient leur propre voie, au lieu de corriger et de mettre à jour la vision du monde de Ptolémée. » p. 277.

A côté des cartes, il ne faudra pas non plus s’étonner de voir apparaître des longues présentations de personnages, commanditaires ou créateurs, comme Al-Idrisi qui puisait son savoir dans tout ce qui lui était disponible sans faire de distinction entre les religions. Mais qui ne marquera pas longtemps les dirigeants ultérieurs à Roger II son protecteur, et ce tant chez les chrétiens et que chez les musulmans.
Il ne faudra pas non plus s’étonner de découvrir les "biographies" des académies et autres centres de recherches, où il ressortira en filigrane les batailles d’idée et de pouvoir, ou encore la marche du progrès. Bref ! Ce livre c’est vraiment une somme de connaissance et de recherche, et il ne faut surtout pas voir en tout ceci une digression, un éloignement du sujet principal.

En résumé, c’est un livre que je recommande pour voir plus loin dans une carte qu’un repère dans l’espace. Cependant ne vous attendez pas à lire ce livre vite. C’est une masse d’information, il faut du temps pour le lire et le finir. Surtout que certains passages sont coriaces, mais à la toute fin de l'histoire vous serez contents d'en découvrir autant.

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