Napoléon III : la modernité inachevée de Thierry Lentz

Résumé :

Un portrait renouvelé de celui qui fut à la fois le premier président de la République et le dernier monarque à avoir régné sur la France.

Victime de sa légende noire, Napoléon III a longtemps été le plus méconnu et le plus mal-aimé de nos souverains. Tout juste cent cinquante ans après sa mort, l'ouvrage de Thierry Lentz revient sur cette période décisive de 1848 à 1870, où la France entre véritablement dans la modernité. À l'aide de sources inédites, conservées à la BnF et aux Archives nationales, en s'appuyant sur les mémoires de militaires et de ministers ainsi que sur les riches archives de la famille impériale, il brosse un portrait à rebrousse-poil de l'empereur, évoquant tour à tour son enfance marquée par l'exil et la défaite de son oncle Napoléon Ier, sa jeunesse aventureuse, l'élaboration de sa pensée politique, sa marche vers le pouvoir, son bilan intérieur et sa politique étrangère.
L'ouvrage est servi par une iconographie somptueuse, mettant en avant quelques-uns des trésors du patrimoine national, tels les manuscrits de Victor Hugo, d'Émile Zola, les sublimes gravures du Monde illustré ou les premières photographies de Gustave Le Gray ou de Disdéri, qui donnent à voir les visages de l'impératrice Eugénie, du prince impérial et des autres acteurs du règne. Ces œuvres, dont certaines proviennent des collections privées de Napoléon III ou de son entourage, témoignent des expositions universelles, des grands travaux parisiens du préfet Haussmann, des voyages et des fêtes officielles, mais aussi des conflits majeurs du règne, comme la guerre de Crimée et l'expédition du Mexique, sans oublier la défaite de Sedan et l'exil de la famille impériale. Tout l'art de Thierry Lentz, biographe chevronné et spécialiste incontesté des Bonaparte, consiste à faire dialoguer un texte solidement documenté avec des images rares, en offrant, en neuf chapitres parfaitement équilibrés, un panorama complet et synthétique du règne de Napoléon III, revenant sur ses réussites aussi bien que sur ses échecs.

Mon avis :

1848-1870, voici le grand règne de Napoléon III neveu de Napoléon Ier. D'abord président de la République, puis empereur, beaucoup de français ignorent l’œuvre politique et la vie de ce dernier qui a pourtant fait rentrer la France dans la modernité. Ne retenant souvent que la défaite de Sedan et la perte de l'Alsace Lorraine qui sera l'objectif de la Première Guerre mondiale, il faut admettre que l'histoire n'a pas été tendre avec cet homme d'état. Et pourtant il est indéniable que sous Napoléon III la France a fait un grand pas en avant. (Oui, je sais, ça choque de lire cela, on en a plus trop l'habitude aujourd'hui et depuis plusieurs décennies.)

Quel homme politique en France ?

Idéaliste, socialiste, partisan de l'ordre, moderne, avant-gardiste même, Napoléon III c'est vraiment le souverain qui aimait la France et ne gouvernait pas seulement pour lui. Ayant beaucoup voyager dans sa jeunesse, en Angleterre notamment où il a été marqué par la révolution industrielle et le progrès, il aura à cœur de faire évoluer la France dans cette voie. Redessinant Paris et d'autres grandes villes pour les faire rentrer dans la modernité, encourageant le commerce et l'industrie afin que la richesse produite ruisselle in fine sur le peuple. Cet homme qui avait une grande connaissance des peuples et de leurs besoins, avait compris que l'on ne pouvait maintenir la part modeste du peuple à l'écart des avancées sociales et de l'éducation. Il avait compris que la charité n'était pas une solution pérenne, surtout si on voulait éviter toute instabilité future avec une classe ouvrière de plus en plus réceptive aux idées républicaines ou socialistes. Certes parler de ces avancées et compréhensions en ces termes, ça a l'air grandiose ; pour autant si on peut saluer quelques avancées et améliorations comme l'éducation et l'industrialisation, ce n'est pas non plus parfait. Pour exemple les salaires ouvriers n'augmentent que de 9% quand l'inflation est de 8% à côté. Alors oui, Napoléon III est socialiste, il a fait ce qu'il a pu et même des bonnes choses, il a été proche de son peuple, mais étant également libéral et mal conseillé par des élites conservatrices il n'a pas pu aller au bout des choses. Mais les bases étaient néanmoins posées.

Ce qui a été également intéressant à découvrir dans ce livre, c'est l'homme politique qu'il a été. On imagine souvent les empires fermés, sans opposition, sans liberté d'expression, bref un peu dictatorial. Avec ce livre, même si sa manière de poursuivre sa route vers le pouvoir n'a pas franchement été démocratique avec le coup d'état de 1852, il est intéressant de noter qu'après une période sévère, Napoléon III a peu à peu ouvert le pouvoir à d'autres idées que les siennes. Il a par exemple gracié les exilés, adouci la censure, réintégré le droit de grève... dans l'idéal moderne qui l'animé mais également pour réduire les chances de révolution/révolte et à terme pérenniser l'empire.
D'un point de vue international, il va créer des liens avec l'Italie, l'Angleterre... aidant ainsi à remettre la France sur le jeu d'échec de la politique internationale, étant donné qu'elle était un peu isolée. Et il y arrive presque bien, malgré les peurs qu'un nouveau Napoléon pouvait soulever. Quoi qu'il en soit on voit que c'est un homme qui pense loin, car il y a une dynastie à périnniser.
 

Quelle personnalité 

Au-delà d'un parcours politique pas toujours beau. Le massacre à Paris lors du coup d'état, sa politique mexicaine où Maximilien d'Autriche sera fusillé. Dans le privé Charles-Louis est un homme qui a une haute conscience de lui-même et du nom qu'il porte. Même si des doutes ont plané sur sa naissance (les parents ne s'entendaient pas franchement bien), il a malgré tout été élevé comme un prince. Chemin faisant et étant un Napoléon la politique l'intéresse grandement, après quelques déboires en Italie qu'ils (avec son frère) veulent unifier, après deux tentatives franchement foireuses de prise de pouvoir en France, à Strasbourg et à Boulogne, il finit en Prison à Ham. Où là, loin de se laisser abattre, il lit et étudie beaucoup. Et bien que condamné à la prison à perpétuité, il ne se voit pas y rester ad vitam æternam. Pour preuve, c'est là qu'il écrira son Extinction du paupérisme et prépara le terrain.

Une fois évadé, de nouveau son objectif est de reprendre la place qui pense la sienne, se brouillant avec sa famille au besoin. Mais le chemin qu'il va emprunter sera différent des éclats du passé, finit les tentatives un peu violentes de sa jeunesse tempétueuse. Il s'assagit avec le temps, et c'est en tant que député qu'il arrive au pouvoir. Il en part, il revient au pouvoir avec d'autre élection, il fonde dans la foulée un parti bonapartiste un peu fourre-tout. Mais quoi qu'il en soit, il finit par plaire au peuple et est élu président de la République en 1848. Et de là commence son règne. Dont il y a tant de chose à dire.
Néanmoins, tout ceci nous indique sur l'homme qu'avec le temps il devient réfléchit mais aussi un homme d'une plus grande culture (car elle n'était pas petite à la base). Entre outre on peut retirer de ce court récit, que Napoléon III est un homme qui pense loin dans le temps, il n'est pas accès seulement sur l'instant présent comme en atteste ce départ volontaire de l'assemblé après sa première élection et sa vie en prison. De fait s'est également un homme qui sait cacher son jeu et est très secret. Il est souvent impossible de deviner ce qu'il pense, même pour ses proches.

Et puisque je parle de ses proches, il ne faut pas ignorer qu'il est un homme très entouré par ses derniers. En politique notamment c'est un homme très famille, mais hélas pas toujours bien conseillé. Par exemple, Eugénie plus conservatrice qui veut léguer l'empire à son fils, ne prêche pas toujours les bonnes idées. Et même si Charles-Louis Napoléon a dressé un panier de cornes sur la tête de son épouse, on ne peut pas non plus dire qu'il ne l'écoute pas et ne l'aime pas.
 

Un oublié de l'histoire :

De Napoléon, le premier qui frappe l'esprit est justement le premier des Napoléon. Il est vrai que Napoléon III c'est un peu beaucoup un mal aimé, Hugo et Zola n'y sont pas étrangers. La défaite de Sedan, son coup d'état, non plus.
Pour autant ne retenir que la misère de son règne ou que les défaites, ce n'est pas lui faire justice. Certes la France est encore dans un niveau de pauvreté prononcé chez les travailleurs, les femmes sont toujours considérées comme mineurs malgré le fait que certaines se sont démarquées sous son règne (Rosa Bonheur, Julie-Victoire Daubié...). Bref, son règne n'a pas été que réussite. Toutefois, et outre le fait que c'est oublié que tout cela était une réalité déjà antérieure à son règne, faire le mauvais portrait de ce politicien c'est également occulter toutes ces avancées qu'il y a eu son règne. Bien sûr comme tout le monde Napoléon III a fait des erreurs, mais il est indéniable que la France de 1870 (la date de la fin de son règne), n'a plus rien à voir avec la France de 1848. Napoléon III a ouvert une voie dans la modernité et l'ingrate Troisième République saura en profiter.

En résumé, pour moi qui ne connaissais qu'à peine cet empereur, j'ai été agréablement surprise d'en découvrir plus sur cet homme et sa politique, et ne pas avoir seulement en tête les descriptions de Zola (je n'aime guère Victor Hugo). Un livre qui établit une nouvelle vison sur cet homme politique, et qui mérite d'être lu. Accessible à tout le monde et bien illustré, ce livre ne peut que plaire.