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Encre d'époque.
31 mai 2021

A Polytechnique X 1901 : ils étaient l’élite de la Belle Époque. Qu’ont-ils accompli ? d'Hervé Joly

 

 

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Résumé :

 

En cette année 1901, la première du siècle qui s'ouvre, ils sont cent quatre-vingts reçus au concours d'entrée à l'École polytechnique. Tous des hommes, personne n'imaginant encore qu'il puisse en être autrement. Tous conscients d'entrer dans l'une des écoles les plus prestigieuses de France, celle qui forme l'élite de la nation et appartient aux grands mythes du pays. Entre eux, ils s'appellent les « X 1901 ». Une brillante carrière au service de l'État, notamment dans l'armée, les attend. Mais les temps ont changé, et beaucoup vont emprunter d'autres voies. Qui sont ces jeunes gens ? Qu'ont-ils accompli ? Dans un ouvrage mené comme une enquête, Hervé Joly retrace l'histoire de chacun d'entre eux. De leurs origines sociales à l'entrée à l'École, des rudes années de formation à l'ensemble de leur parcours, il les suit pas à pas dans leurs réussites ou leurs échecs. Si aucun ne figure parmi les célébrités de Polytechnique, nombreux sont ceux qui ont atteint les plus hauts sommets du pouvoir. Quelques-uns ont connu des carrières plus chaotiques, voire médiocres. Certains sont morts au champ d'honneur de la Grande Guerre. De la débâcle à la déportation, ils ne seront pas épargnés par la Seconde Guerre mondiale. « Un titre d'État acquis à 20 ans et sur lequel une vie entière se sera parfois échafaudée », note Antoine Compagnon dans la préface. Un destin qui repose tout entier entre les mains de ces jeunes élèves dont les itinéraires de vie offrent ici une autre histoire de la France, de la Belle Époque aux Trente Glorieuses.

 

Mon avis :

 

A Polytechnique X 1901 : ils étaient l’élite de la Belle Époque. Qu’ont-ils accompli ?, est le dernier livre d’Hervé Joly. Dans ce livre, ce dernier nous propose donc de visualiser grâce à un long travail de recherche, le quotidien et le milieu d’une promotion dans et hors d’une école perçue comme le vivier de la noblesse d’état.
L’auteur remontant ou descendant ainsi la généalogie de ces familles (ce livre peut avoir un petit côté prosopographie), retraçant le parcours de quelques-uns, non sans oublier d’élargir la comparaison à d’autres promotions, va nous montrer en quoi Polytechnique n’est pas forcément gage de réussite, ni même d’échec. Qui sont-ils ? Qu’ont-ils accompli ? Quelle était leur vie ? C’est à ces questions, et bien d’autres, que l’auteur va répondre à travers cette recherche intéressante, même si parfois un peu longue.



A Polytechnique », d'Hervé Joly : radiographie de la promotion X 1901
Elèves en 1901

 

Polytechnique, rien que le nom ça vend du rêve. On se dit que ce n’est pas ouvert à tout le monde et ni à toutes les bourses. Surtout à l’époque. On se dit aussi que les gars qui étaient dans cette école ont tous accompli de grande chose, que leur nom brille dans l’Histoire. Et ben déjà là-dessus, grosse surprise, ce n’est pas le cas.
En effet, et bien qu’il faille remettre ce point-là dans ses proportions, on notera que même si les enfants de l’ancienne noblesse, ainsi que ceux des banquiers ou autres industrielles représentent plus de  « des deux tiers de la promotion », l’école permet également aux familles les plus modestes d’inscrire leurs enfants avec l’aide d’une bourse distribuait de manière généreuse - car même les plus bourgeois pouvaient y  prétendre. Outre le fait que cette ouverture indique que les familles plus modestes aux enfants méritoires, travailleurs et doués pouvaient continuer leur scolarité à Polytechnique, cette ouverture indique aussi et mine de rien que l’école était ouverte et était loin d’être un milieu clos comme on aurait tendance à le croire aujourd’hui. Et là on touche à la particularité de ce livre, il va bousculer ces quelques idées reçues que le lecteur pourrait posséder en son for.

D’accord, l’entrée ne se fait pas comme ça, il y a plus ou moins un long parcours de concours que certains repassent même plusieurs fois dans l’espoir d’intégrer cette école à un rang meilleur, cependant l’échec existe dans cette école ou d’autres. « En 1901, ils sont ainsi huit cent cinquante-huit à être reçus ni à Polytechnique, ni à l’alternative limitée que constitue normale supérieure » p.49. Mais quoi qu’il en soit, la chose n’est pas impossible à atteindre pour les élèves issus d’un milieu modeste ou de la petite bourgeoisie. Mais pour les milieux modestes cela se fait sans doute au prix de sacrifice...

Cependant, le Graal atteint, c’est avec surprise que nous allons découvrir que la démission existe où Normal Sup. peut être préférée à Polytechnique : en 1901 ils sont ainsi onze à démissionner. Dans les promotions précédentes (1880) on se rend compte que même très bien placés, les élèves démissionnent. Les raisons ? Elles sont multiples : l’engagement au service de l’état est long ; la discipline militaire est dure ; le travail soutenu ; c’est un internat l’occasion de profiter de la jeunesse pour ces jeunes hommes est compliquée ; l’absence de conviction militaire, etc. Bref, comme on le voit les occasions de se dire qu’ailleurs c’est mieux, mais pas forcément moins dur, sont nombreuses.
Mais une vie est-elle possible hors de Polytechnique ? Oui, que ça soit à normale sup. ou encore à l’école des Mines de Saint Etienne, en passant par l’Ecole centrale des arts et manufactures ou les universités, la reconversion en cas d’échec ou de démission est possible. Ces écoles ouvrant d’ailleurs à des filières que Polytechnique n’offre pas encore à l'époque. Effectivement, Polytechnique permet surtout une carrière militaire ou administrative, voire une carrière dans une entreprise privée et souvent familiale plus ou moins porteuse, mais pour la recherche, la science, la politique, le savoir académique ce  n’est pas le milieu d’étude à privilégier. Et cela semble se confirmer avec les descendants.
Ce n'est tellement pas un milieu à privilégier que le côté touche-à-tout et amateurisme dérange, néanmoins dans leur domaine à l’école ou plus tard dans la vie professionnelle, nous trouvons d’excellents militaires, sportifs, ingénieurs… Et la paye est plutôt bonne.
Toutefois, là aussi des cas particuliers viennent contrebalancer la réussite entière et totale. Car oui, on peut avoir fait polytechnique est connaître des déboires. Déboires qui sont parfois dus au contexte politique comme les lois de Vichy contre les juifs. Polytechnique ne protège pas des lois ni des camps de concentration, encore moins de la mort au champ d’honneur, non plus des critiques. 

 

"L'artilleur colonial Bêle avait bien redressé la barre après des débuts difficiles dans l'armée en s'épanouissant au poste de technicien de TSF. Promu tardivement colonel à 54 ans, il reçoit de sévères critiques de sa hiérarchie comme commandant de régiment qui le disqualifient définitivement pour une nouvelle promotion : "D'une bienveillance qui confine à la faiblesse, ne montre pas toujours le caractère qu'on serait en droit de supposer à un homme de son âge et de son grade". p. 184.

 

De manière lapidaire, j’ai abordé un peu plus haut la descendance quand j’abordais la carrière des polytechniciens, c’est en effet un autre pan de ce livre. La vie privée de ces polytechniciens. Mariage, enfants, divorce, relation, décès, là où l’archive existe Hervé Joly l’a étudiée. Et comme pour la vie professionnelle des points communs ressortent, des chemins divergents aussi.
A titre d’exemple, il y a ceux qui se marient et les 12% de 1901 qui ne prendront jamais d’épouse. Vocation religieuse, décès ou pourquoi pas désintérêt pour le sacrement, là aussi les raisons sont abondantes. Néanmoins plus de la majorité se marient dans cette promotion avant 1914-1918, un peu moins après, le dernier mariage étant en 1943. Forcément tout cela modifie donc le nombre d’enfant, et ainsi de suite…
Mais l’auteur va plus loin qu’énumérer des mariages, il va chercher à en sortir toute une ligne de conduite afin de voir si nous pouvons en ressortir un schéma semblable. Et il en ressort essentiellement trois choses. Premièrement, le mariage est un marqueur social, même sans être brillants il reflète régulièrement une réussite sociale. Deuxièmement, il n'est pas forcement heureux ni malheureux. Troisièmement, il existe « une certaine liberté de choix du conjoint, au sein d’un espace social bien sûr largement contraint » p.253. On ne se mélange pas beaucoup.

 

Un autre point intéressant de ce bouquin, c’est que l’on va vite constater qu’aborder la vie privée, c’est aussi aborder la hiérarchie militaire et le côté peut-être trop intrusif de Polytechnique pour peu que tu poursuives une carrière militaire ou dans le civil . En effet, même si l’obligation pour l’épouse d’apporter une dot de 1200 F annuel a disparu en 1900, techniquement les anciens élèves de Polytechnique doivent avoir une épouse qui plaise à la hiérarchie. Dans les faits toutefois elle ne s’oppose pas au mariage, l’enquête menée en amont s’efforce même « toujours de faire ressortir les aspects positifs d’alliances », mais quand même on ne peut oublier cette formalité qui pouvait par un jour de mauvaise humeur rendre caduc le projet de mariage.
Cependant soulignons la flexibilité de l’armée, moins conservatrice que je l’aurai imaginé sur cette question. Effectivement, elle ne trouve rien à redire à la régularisation d’ancienne relation quand bien même l’épouse ne soit pas un exemple d’époque (elles sont parfois divorcées), ni au fait qu’ils peuvent se marier pour légitimer les naissances hors mariages car les futurs époux habitent souvent déjà ensemble. Tout à l’heure je parlais d’idées reçues, en voilà d’autres balayées : concubinage, divorce, enfant illégitime, l’époque sans être franchement libre l’est quand même un peu. Je crois que j’imaginais les choses beaucoup trop strictement sur l’époque.

 

En résumé, j’ai résumé grandement le livre, mais j’espère vous avoir éclairé au moins un peu sur ce qu’était Polytechnique, et vous aurez d’autres surprises, d’autres étonnements, dans ces pages. Mais il faut garder à l’esprit que ce livre casse l’esprit binaire que l’on peut avoir sur ces écoles. Il y a beaucoup plus de subtilité que l’on pense, de fait ça encourage à porter ce même regard aujourd’hui sur ces grandes écoles non exemptes de défauts malgré tout. Il encourage aussi à revoir notre vision sur l'époque.
 

Editions Flammarion.

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