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Encre d'époque.
20 janvier 2022

Du lait et des hommes : histoire d'un breuvage nourricier de la Renaissance à nos jours de Didier Nourrisson.

 

 

didier nourrisson histoire du lait

 

Résumé :

 

Beurre d’Isigny, camembert de Normandie, tomme d’Aubrac, bleu d’Auvergne, pâte dure, molle, lait de vache, de chèvre, mais aussi maternel ou en poudre… Les produits laitiers, aliments chéris des Français, du biberon à l’assiette, sont un pilier de notre civilisation.
Depuis la Renaissance, qui sacralise le lait comme origine de la vie à travers la figure de Marie allaitante, jusqu’aux tonnes de laitages acheminés quotidiennement dans les rayons des supermarchés, son histoire est riche en rebondissements. Denrée indispensable et périssable, dont la consommation est tantôt louée, tantôt décriée par les autorités publiques, le lait s’est extraordinairement bien adapté au modèle de production moderne. Si bien que Nestlé, Lactalis ou Danone constituent encore aujourd’hui des fleurons de l’industrie française – certes parfois éclaboussée par des scandales sanitaires…
Vachers, médecins, laitières, scientifiques, hommes politiques, nourrissons, nourrices et mères de famille sont les protagonistes de cette histoire alimentaire qui suit au plus près les transformations de notre société.

 

Mon avis :

 

Il est tellement présent dans toutes les strates qui composent l’humanité que l’on n’y fait plus vraiment attention ; de quoi je veux parler ? Du lait bien évidemment, ce lait d’où est né la voie lactée, ce lait qui nourrit, ce lait qui pousse à la technologie et inspire les artistes.
Qu’il soit de vache, de chèvre, d’ânesse, le lait a toujours été là, pourtant force est de reconnaître que l’on méconnaît son histoire, par chance Didier Nourrisson va nous éclairer sur son histoire en France.

 

A commencer par ses représentations qui nous en disent tant sur l’idée que l’on a du lait. Vierge ou République allaitantes, symbole de protection, de vie, de maternité, il est acquis que sans lait la vie est impossible. En atteste depuis les temps immémoriaux de ce lait qui nourrit les hommes comme la louve à Rome avec Remus et Romulus, ou encore les dieux comme Zeus avec Amalthée qui nourrit l’enfant caché de son père Cronos. Mais l’image de l’allaitement peut être le symbole de la charité, pas seulement chrétienne mais également romaine, avec la légende de Cimon et Péra notamment. On peut également y voir le devoir familial qu’impose la filiation.

 

« Cimon est emprisonné et condamné à mourir de faim ; sa fille Péra obtient un droit de visite et en profite pour nourrir de son lait le pauvre homme. » p. 23

 

zeus amalthée poussin nicolas
Nicolas Poussin, Zeus enfant nourri par Amalthée.

 

Aborder le lait nous plonge comme on le constate, dans l’imaginaire et les idéaux humains, mais cette boisson est également bassement matérielle de par sa nécessité à la vie. De fait comme elle est nécessaire, l’homme en vient à rationaliser son utilisation. De la nourrice à la bouteille de lait, en passant par la sélection de vache plus rentables, rien ne semble échapper à cet or blanc. Au pif, c’est ainsi que l’on verra apparaître des conseils - dans des temps plus ou moins anciens et avec quelques changements selon les époques -, pour bien choisir une nourrice pour les enfants. Cette dernière devra être de bonnes mœurs, en bonne santé, jeune, vigoureuse… car ces qualités se retrouvent dans le lait donné à l’enfant qui est l’avenir du pays. La moralité n’est pas qu’une notion philosophique abstraite, elle est transmissible par le lait. A chacun son époque…


Mais en fin de compte, le lait ce n’est pas que l’enfant et la mère, il concerne la société entière ; même s’il est vrai que la plus grande préoccupation des pouvoirs publics, des philosophes, des associations est de se pencher plus particulièrement sur les deux catégories susnommées. Bref, comme je le disais, aborder le lait c'est aborder la société entière, car le lait c’est également de la nourriture par le fromage, les sauces, les crèmes desserts… de fait, il concerne tout le monde. L'interroger, c'est alors interroger les coutumes, les idées, les habitudes, les campagnes, les villes, les lois... ce que l'auteur ne se gêne pas de faire. Ainsi, on se rend très vite compte, que consommer des produits à base de lait s’est donner la possibilité aux chercheurs de faire une sociologie de la table, du pauvre et du riche, de l’homme des villes et de celui des champs, des peurs et des croyances, du temps de paix et du temps de guerre. A titre d'exemple, sachez que plus on était riche plus le vin dominait le lait. Que plus on était proche de la campagne, plus la consommation de lait était une évidence, ce qui en est venu à agacer ces petites gens devant certaines décisions des pouvoirs publics pour inciter à la consommation au nom de la santé et de l’économie française. Quand on parle de lait le patriotisme et les lobbys ne sont jamais loin. Même si tout ne résume pas à ces problématiques, le social et l’hygiénisme sont du lot également et tout se croise.

 

affiche lait ancienne
Affiche ancienne sur le lait et ses bienfaits, qui met en avant produit naturel et santé.

 

Bref, si le lait coule de source pour tous, il faut bien admettre que la source est différente : ânesse ;  vache ; chèvre, etc. de ceci naturellement l’auteur en vient à parler de l’évolution des élevages. De la vache qui s’est imposée sur la chèvre ou les brebis car plus productive, notamment grâce au changement d’agriculture avec la révolution « herbagère » en marche dès le XVIe siècle par exemple. De cette production, est né également tout un mode de stockage et de transformation longuement développés dans ces pages, ceci sera l’occasion pour l’historien de soulever les problèmes que posent le stockage, la transformation du lait et les peurs justifiées que ce liquide a soulevé par le passé.

 

Mais l’histoire du lait ne s’arrête pas à hier, en effet la question du lait et de l’image qu’elle renvoie reste ouverte, puisque aujourd’hui encore, et comme au temps de Rousseau, une mère qui n’allaite pas ne serait pas une bonne mère. Bien sûr dans les pays pauvres, le lait en poudre peut apporter plus de complication que de bienfaits du fait de la difficulté de trouver de l’eau potable, pour autant l’image d’une bonne mère passe encore aujourd’hui en pays riche par l’allaitement au sein maternelle. Et ce même si la science du biberon s’est grandement améliorée comme en atteste ces pages. Pourquoi ? les raisons en sont multiples, mais nous voyons que le lait est une boisson qui n’a pas fini de soulever les passions...

 

En résumé, cette lecture fut enrichissante, intéressante même s’il est surtout question de la France. Juste je regrette (comme d’autres) l’absence de schémas explicatifs pour mieux visualiser les biberons par exemple, et ces satanées notes qui se trouvent toujours en fin de livre en histoire. C’est agaçant, arrêtez ça.

 

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