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Encre d'époque.
24 juillet 2021

De la laïcité en France de Patrick Weil

 

« Entretemps, en juin 1908, Gaston Doumergue, ministre de l’Instruction publique, a déposé des projets de loi visant à substituer la responsabilité de l’Etat à celle des maîtres d’école pour les fautes commises dans l’exercice de leur fonction, et à mettre en application les amendes – prévues par la loi – pour les pères de famille qui défendent à leurs enfants de suivre tout ou une partie de l’enseignement obligatoire à l’école. » 
P.54

 

laïcité Patrick Weil

 

Résumé :

 

«  Après les attentats de 2015, la laïcité fut invoquée et convoquée. Dans les collèges et lycées du pays, le élèves furent rassemblés et des leçons de laïcité leur furent administrées. Après l’horrible assassinat de Samuel Paty, les enseignants ont de nouveau été instruits d’informer leurs élèves sur la laïcité. Le drame est qu’ils se sentent tout autant démunis qu’il y a cinq ans, car la laïcité souffre d’une double ignorance. D’abord ceux qui lui sont attachés et sonnent parfois l’alarme, rendent sa défense impossible, faute d’arriver à la définir simplement et clairement. Du coup, elle est perçue par d’autres comme un catéchisme répétitif, un corset vide de sens, voire comme un régime de discriminations, c’est-à-dire rien de ce qu’elle est… La laïcité, qui permet aux croyants et non croyants d’être libres et égaux en droit, est au cœur de l’identité française. Mais la majorité des Français ne sont pas à même de la définir. Ils ne sont pas capables d’expliquer à leurs enfants, à leurs amis, à leurs collègues, comment elle vit en droit et en pratique. De la Laïcité offre pour la première fois et pour tous publics, une définition et une explication fondées sur le droit et sur l’histoire. Son appropriation par le plus grand nombre des citoyens est le premier instrument de sa défense efficace et légitime.  »
 

Mon avis :

 

La laïcité est en France le sujet qui fait le plus grincer les dents des intégristes ou de leurs collaborateurs pour qui la République doit s'adapter à eux. Elle est aussi dans le même temps, le sujet le plus mal connu de ses défenseurs comme de ses détracteurs. Les derniers, dans leur envie de jouer les victimes disent même qu’elle est islamophobe (argument 100% intégriste), alors que pour être islamophobe il faudrait qu’elle ait été composée dans ce seul et unique but ; or en 1905 l’islam ne concerne pas franchement la France.
Comme le sujet est visiblement complexe, Patrick Weil se propose d’en faire une histoire dans le temps afin de cerner l’instant de sa création, et les instants où ça a commencé à partir en eau de boudin. (Bien que ce dernier point ne saute pas aux yeux.)

 

Une naissance :

 

Mais avant d’en venir là, cherchons à savoir pourquoi ce rapport Briand en est venu à être votée comme loi en 1905, après deux ans de travaux ? Pour tout dire, c’est un incident diplomatique qui remet en cause la souveraineté de la France en question, qui va accélérer la fin du concordat pour la laïcité. En 1904 le Président Français rend visite au Roi d’Italie dans le cadre d’une stratégie d’alliance, mais Emile Loubet rend visite à ce dernier sans l’accord du Pape, celui-ci forcément se vexa - surtout qu’aucun des souverains catholiques d’Europe n’allaient en Italie sans lui demander son accord.
Cet incident qui remet en cause la souveraineté de la France sur sa politique - et pour l’époque il est inconcevable que la religion dicte une politique -, révolte le gouvernement en place ; la machine est lancée, la laïcité rejoint le droit. Non sans difficulté même du côté des parlementaires.

 

Résistances :

 

Vous le pensez bien, l'Eglise et son papy vont faire de la résistance. Le Pape Pie X condamne la loi en 1906 via l’encyclique Vehementer vos, ce dernier demande alors aux catholiques de s’opposer à cette loi. Ça sera chose faite à travers des processions comme à Montélimar en 1905, ou encore via l’école publique où les serviteurs de Dieu disent aux parents qu’il n’y aura aucun des sacrements religieux, si les livres d’histoire mis à l’index par l’Église comme l’Histoire de France par Alphonse Aulard, sont étudiés par leurs enfants à l’école.

Dans le même temps et de son côté, l’État français sécularise les biens et fait l’inventaire des églises, mais ce dernier va plus loin quand il constate que l’Église dans sa quasi-totalité (n’oublions pas la tribune du Figaro de 1906) organise la résistance, la révolte et soumet la population encore profondément religieuse au chantage. Population qui elle-même n’est pas toujours décidée à tout accepter de la laïcité puisqu'elle semble y décerner un début de persécution. Effectivement, devant tant de résistance et sans tergiversé plus que cela, le gouvernement envoi la troupe qui ne veut pas toujours tirer sur les catholiques. Il juge également et condamne les hommes de dieu au nom de l’article 35 de la loi de 1905. Loi qui condamne en outre les délits de provocation à résister aux actes légaux de l’autorité publique.
Grand écart avec l'époque actuelle, où plus personne au gouvernement n'osent s’opposer aux velléités religieuses. Pourtant, si le gouvernement avait toujours gardé cette ligne de conduite, sans céder aux discours victimaires, bien maniés mais faux, plusieurs drames auraient pu être évités : Samuel Paty bien sûr, mais l’intégrisme islamique à l’école n’en serait pas là où il en est aujourd’hui, de même dans la société. Les catholiques, il y a déjà un petit moment que ça ne pèse plus lourd sur le plan politique.

 

 « Il fait poursuivre les archevêques, les évêques et les curés qui, de leurs chaires, ont appelé à la désobéissance aux lois, ou ont commis des actes individuels de pression, de menaces, contre leurs paroissiens ou leurs enfants, ou de diffamation ou de menaces contre les instituteurs. » p. 58.

 

Quoi qu'il en soit, ces hommes politiques avaient probablement retenus malgré eux que Dieu n’aime pas les tièdes, mais c’était pour la bonne cause : « La laïcité, c’est l’absence de lien entre foi et loi dans la constitution de l’association politique. L’association politique des citoyens en République est non seulement souveraine en droit mais aussi indépendante en esprit. » p.37
Sur ce principe nous sommes donc en droit de nous demander pourquoi les listes communautaires sont autorisées aux élections actuellement ? Lutter pour la charia ou le voile, c’est bien avoir un objectif religieux ; non ?

 

Apaisement :

 

Longtemps encore après l’adoption de la loi, les processions religieuses restent compliquées, pourtant la Première guerre Mondiale va venir apaiser les relations, le gouvernement comme l’Église ont mis de l’eau dans leur vin. Une boucherie est passée par-là. Le gouvernement français considère alors que les associations diocésaines sont en accord avec le droit français, l’Église approuve. De son côté, en 1938, l’Église n’est plus aussi virulente contre la laïcité quand bien même elle soit encore contre.
Après la Seconde guerre Mondiale, où Pétain a tenté de réhabiliter provisoirement le dogme religieux catholique notamment dans le programme scolaire (très mal accepter par la population), il est admis que la France est laïque pour tous. Et encore une fois et malgré quelques soubresauts légaux, tout le monde semble trouver son compte dans cette affaire : l’école ne pose plus guère de problème, le gouvernement aide les enfants des écoles privées comme publiques, et l’Église dit qu’elle y a gagné énormément. Finalement, l'acceptation de la laïcité est allée assez vite des deux côtés.

 

Ce que je pense du livre :

 

Je vous avouerais que quand j'ai pris ce livre pour le lire, j’avais un peu peur de ce que j’allais y trouver ; l’auteur étant à gauche et immigrationniste (autant dire grandement responsable de la crise française à l’heure actuelle), je craignais certains clichés inhérents à la gauche actuelle. Et ben non pas vraiment, même si on retrouve certains défauts.
 
Dans ce livre donc, l’auteur reste sur l’histoire de la laïcité en abordant le droit écrit qu’elle a suscitée. Pour autant je ne dirais pas que ce livre est complet ou correct, nulle trace par exemple de la laïcité dans l’histoire dont les prémices sont déjà visibles lors de la réforme grégorienne, voire même dans la Bible, et accessoirement visible déjà dans l’Ancien Régime au XVIIIe siècle où dans certaines villes on désirait que l’espace publique reste neutre de religion, - montrant par-là sans doute que la laïcité c’est le destin du peuple français.
Dans mon souvenir (ça fait plus d’un mois que j’ai fini le livre), il n’y a aucune trace non plus des ententes entre la Troisième République et l'Église. L’auteur cherche à mon goût à trop les présenter comme deux frères ennemis, or l’Église et la Troisième République ont bien su s’entendre quand le besoin s’en faisait sentir. Il y a eu par exemple, nécessité coloniales obligent, 5 congrégations autorisées par le gouvernement Combes comme celle des Pères Blancs. Autre chose, en 1890 l’Église se rallie à la République, certes tardivement, mais quand même elle se rallie. Alors que l’anticléricalisme est déjà visible.
Toutefois, malgré ces trous dans l’histoire, l’atout de ce livre c’est qu’il élargit la loi de 1905 aux autres articles qui la compose, ainsi qu’à d’autres lois venues après.


Néanmoins, pour moi le réel problème quand j’ai lu ce livre, c’est l’absence de commentaire de la part de l’auteur. Par exemple suite à certaines décisions juridiques qui pourtant et de toute évidence en appelaient ; comme celle de l’annulation des arrêtés municipaux des maires contre le burkini par le Conseil d’État. C’est évident que ça été une grosse bêtise de la part de cet organe républicain qui ne protège en rien la République en pliant devant l’islamisme ; du coup, j’aurai aimé qu’il dénonce en tant que chercheur au CNRS certaines mauvaises décisions aux mauvaises conséquences, plutôt que trop laisser la réflexion ouverte, voire même limite de la faire passer inaperçue.
Autre exemple, j’aurai aimé qu’il souligne les abus de la loi de 1972 (Pleven) qui ne sert en fin de compte qu’à interdire toute critique nécessaire à un bon fonctionnement républicain, qui ne sert en outre plus qu’à censurer et non plus à protéger la démocratie ni les Hommes. Et si mes lectures se suivent mais ne se ressemblent pas, j’ai noté avec amusement dans le livre de Liesel Schiffier sur Olympe Audouard, que Napoléon III maintenait la censure à travers le même type d’article. Je cite : « Critiquer  le chef de l’État, attaquer la religion ou la propriété est formellement interdit, et considéré comme des “atteintes à la paix publique et provocation à la haine entre les différentes classes sociales” ». Changez juste quelques mots…

Autre chose qui m’a dérangé ici, c’est cette impression que l’auteur met tout au même niveau au nom de l’égalité notamment. Et honnêtement, j’aurai aimé qu’il ne mette pas tout au même niveau, qu’il apporte des nuances en se disant que peut-être l’égalité de tous devant la loi ce n’est pas toujours une bonne chose. Qu’il y a des articles de 1905 qui ne devraient pas être appliqués pour tout le monde aujourd’hui. Surtout quand ça concerne une religion arrogante et violente. A titre d’exemple, Patrick Weil parle de la loi de 1905 qui accorde aux croyants la possibilité d’afficher leur foi en public, mais en 1905 contrairement à 2021 nous n’étions pas envahis par les voiles ou les burqas, et autres vêtements intégristes. De fait, j’aurai aimé qu’il ait cette distance que le temps, le contexte et les mœurs imposent, et qu’en 1905 personne n’imaginait. Cet espèce de ton linéaire et continu que Patrick Weil possède dans ce livre et comme si rien ne s’était passé entre temps, est… on ne peut plus inquiétant je trouve. Quand on lit se livre on a l’impression que tout se vaut. Alors que porter un voile dans cette religion c’est faire du prosélytisme, en plus de dire que les filles non voilées sont des putes bonnes à violer.
Non, porter le voile ce n’est pas respecter la République Monsieur. De fait on peut aussi comprendre pourquoi l’État s’en prend aux symboles, même si vous soulignez à raison que l’État oublie juste un peu de condamner les personnes coupables. (Ça en ferait un paquet !)

 

Autre point, j’aurai apprécié aussi que l'auteur ne prenne pas les lecteurs pour des cons. Page 118, Patrick Weil dit que la France a refusé à « l’occasion de l’élaboration de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en l’an 2000 » la référence à la religion chrétienne demandée par d’autres pays. Il fait passer cela pour l’importance du respect de la laïcité pour le gouvernement français de l'époque ; mais soyons honnêtes, nous savons tous que c’est plutôt un refus d’identité et la peur de l’intégrisme qui ont dicté ce choix. En 2000, il y a un moment que la laïcité n’est plus respectée en France, et qu’elle est une tâche sur l’histoire pour beaucoup, Jospin en premier.
En soi, c’est très bien qu’on ne rappelle pas la religion, mais qu’on n’essaye pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Les différents gouvernements français depuis Mitterrand au moins, ont montré un dégoût profond de l’identité française et leur lâcheté. Et ce n’est pas une croix enlevée à la statut d’un Pape qui me fera penser l’inverse. Accessoirement enlever la croix à un Pape en terre chrétienne, je pense que c’est aussi bête qu’enlever un katana à un samouraï au Japon. Mais bon.

Pour continuer sur les désaccords, j’aurai voulu que l’auteur soit plus honnête et nous prenne moins pour des andouilles quand il aborde rapidement les causes et les faits qui détruisent la laïcité en France. On a eu droit aux racismes imaginaires systémique ou à l'islamophobie malgré le trop grand nombre de mosquées en France qui prouve l'inverse, mais par contre rien sur le clientélisme politique ancrée bien à gauche, l’immigration massive, les revendications racialistes et racistes de certaines ethnies, la politique étrangère en France par exemple celle des Frères musulmans, ainsi que les détournements des Droits de l’Homme par les intégristes. Je ne vais pas vous mentir, j'ai trouvé que ça faisait désordre...
Petit aparté, faudra vraiment m’expliquer en quoi un contrôle d’identité c’est raciste. Si assurer la sécurité d’un pays et de ses habitants – en sachant que les contrôlés sont les premiers délinquants – c’est considéré comme du racisme, nous pouvons affirmer sans risque qu’il y a visiblement un problème dans certaines sphères et que le clientélisme n'est pas loin. On retrouve bien-là l’homme de gauche… Pareil avec le cliché des africains qui ont reconstruit la France après 1945, merci de lire Pour en finir avec la repentance coloniale de Daniel Lefeuvre.

 

Enfin, pour finir, j’ai trouvé qu’il manqué un écart au droit dans ce livre. L’auteur reste trop dans le droit écrit et officiel pour moi, par conséquent il oublie cette autre part du droit, limite peut-être une coutume dans le sens juridique, due aux mœurs, aux habitudes, à la mentalité - je l’ai dit un peu plus tôt la laïcité est de source ancienne.
Bref, cette part qui fait que la laïcité ne gênée plus personne après 1946 et même avant, et ce jusqu’à l’arrivée d’une civilisation trop différente qui a ouverte avec l’aide du droit français ou encore européen la porte à d’autres infréquentables. (Mais ce n’est pas les derniers les plus présents et dangereux.) Pour le coup, j’aurai vraiment apprécié qu’il esquisse, au-delà du droit écrit ou encore du droit international, ce droit que le peuple impose par son mode de vie comme par ses révolutions : l’athéisme, la libération des mœurs, l'égalité homme-femme, etc. Et ainsi indiquer à quel point ce droit n’est pas respecté par les nouveaux venus, pas plus que par le droit français ou international. Mais rien sur ce droit venu de la civilisation, qui doit savoir interdire aux autres pour se sauvegarder elle-même.

 

En conclusion :

 

En résumé, c’était un livre très intéressant à lire, qui même s’il ne raconte pas tout dans le détail en dit bien assez pour replacer les enjeux de la laïcité et la loi dans le temps, mais je regrette les silences plus ou moins profonds de l’auteur. Il reste sur des écrits, des faits, est analyse cela à distance comme si cela allait de soi, comme si tout se valait. En fait, par moment on pourrait penser que ce livre a été écrit par un gentil monsieur qui a bien appris sa leçon, bien fait ses recherches, bien analysé, mais qui pour autant manque d’esprit critique, d’information et de projection. Pourtant il est évident que le droit, même si c'est le droit, ne répond pas toujours aux réalités, d'où l'intérêt d'en sortir pour le faire évoluer et donc de parler. Bien que dans le même temps je reconnaisse à l’auteur des raisonnements justes, et que je lui dois même un changement de vision.
Effectivement, jusqu’à aujourd’hui je pensais que la laïcité - qui n’a jamais été écrite pour lutter contre l’islamisme - ne pouvait sauver la République. S’il est évident qu’elle ne suffira pas, il est également évident qu’elle peut finalement le contrer à condition de s’en tenir au texte, et discriminer en sus et au nom de la paix les fauteurs de troubles. En d’autres termes il faudra la laïcité, plus bien d’autres choses comme la violence et du courage pour retrouver la sécurité et la paix. La question de ce qui est bien ou mal ne doit plus se poser lorsque l'on est en danger.

 

Editions Grasset.

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