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Encre d'époque.
7 septembre 2020

Dictature 2.0 : Quand la Chine surveille son peuple (et demain le monde) de Kai Strittmatter

 

 

« Quiconque répète comme un perroquet l’affirmation du PCC selon laquelle les « particularités nationales » de la Chine réclament d’urgence cette dictature qu’ils font justement prospérer dans le pays se laisse aller à un orientalisme imaginé par les communistes chinois. Les arguments du relativisme culturel, selon lesquels le Chinois n’est pas mûr pour la démocratie et ne revendique pas autant les droits de l’homme que nous, ont souvent le goût du racisme quand ils sortent d’une bouche occidentale. Qu’ils aillent donc à Taïwan, ces gens, pour voir ce qu’est la démocratie la plus vivante d’Asie : ceux qui vivent là-bas sont tous des Chinois. »
pp. 329-330

            « La terreur qu’inspire l’isolationniste qu’est Trump et le dégoût que provoque son attitude ont pris en Europe de telles proportions qu’en réaction certains applaudissent copieusement Xi quand il se comporte de manière civilisée et se fait passer pour le sauveur de la mondialisation. C’est étonnant : ceux-là mêmes qui passent à juste titre la moindre syllabe de Donald Trump au crible avant de crier au mensonge sont disposées à accepter les propos de Xi Jinping sans se poser de questions lorsqu’il vient au Forum économique mondial de Davos prêcher le libre-échange, invoquer l’ordre international, promettre l’ouverture de son pays et vanter la connexion globale.
            Alors qu’en réalité, Xi est un bien plus grand protectionniste que Trump.
            Alors qu’en réalité, il sape sur de nombreux fronts l’ordre international existant.
            Alors qu’en réalité, il ferme hermétiquement son pays.
            Alors qu’en réalité, il coupe les dernières liaisons entre l’Internet chinois et le monde. »
p.331

 

Quand la Chine surveille son peuple Dictature 2

Résumé :

Aujourd’hui naît en Chine un régime comme le monde n’en a jamais vu. Une néo-dictature entièrement remodelée par les armes du XXIe siècle, les nouvelles technologies. Il est temps de nous en inquiéter.

« Au-dessus de lui, il n’y a plus que le ciel » : Xi Jinping concentre aujourd’hui un pouvoir plus important que Mao lui-même. À l’intérieur du pays, la Chine est en train d’arriver à un État de surveillance numérique parfait. Les technologies les plus modernes, notamment l’intelligence artificielle, propulsent l’économie chinoise dans le futur. Elles recueillent, relient et exploitent, dans de gigantesques banques de données, chaque pas et chaque pensée de plus d’un milliard de citoyens et de tous les visiteurs. L’objectif ? Le contrôle total du Parti sur tout et tous avec pour mesure étalon le fameux « crédit social », un système inédit fondé sur les bonus décernés par le Bureau de la fiabilité. Ainsi émerge une Chine nouvelle, défi direct pour nos démocraties qui importent massivement ces technologies.

Dans un livre choc, Kai Strittmatter nous propulse au cœur d’une Chine contemporaine digne d’Orwell. Cette Chine-là veut remodeler l’ordre international à son image. Les démocraties occidentales doivent réagir et y faire face avec lucidité.

Mon avis :

Passé les trente premières pages, où j’ai été un peu énervée par l’auteur et ses jugements de valeurs et un peu par son manque d’honnêteté intellectuelle car il semble oublier qu’en Europe le politiquement correct et autres nouveautés venues d’outre-Atlantique font beaucoup de ravage à la démocratie. Ce livre, malgré quelques redondances, devient très vite fort intéressant à lire pour appréhender la Chine de demain et d’aujourd’hui.

            De la Chine du XXe - XXIe siècle, je n’en connais que le minimum : Mao ; les tensions avec Taiwan ; Le Tibet ; Tienanmen ; la politique de l’enfant unique ; la dictature répressive ; et les quelques histoires qui éclatent de temps à autre comme les accusations d’espionnage en Europe ou encore plus récemment la COVID 19 sortie tout droit de Chine grâce à ses mensonges et silences. Bref ! Autant dire, que je n’y connaissais pas grand-chose ! Avec ce livre Dictature 2.0 du journaliste allemand Kai Strittmatter j’ai rattrapé pas mal de retard. Mais j’avoue que ce qui j’y ai vu, n’est pas très réjouissant…

            En effet, loin de l’idée que la mondialisation allait alléger le poids de la dictature chinoise et qu’Internet allait libérer les esprits, il s’avère que la surveillance et le fichage de la population est en fait toujours plus forte et d’actualité. Tout comme l’intimidation et la censure, la violation de la vie privée, la maltraitance de la population... Bref, partout où vous regardez il apparait que la Chine de Xi Jinping est en fait un enfer à vivre. Ressemblante en tout point à un livre de science-fiction plus qu’inquiétant, alors qu’elle avait quand même gouté un peu à la démocratie. Mais ça c’était avant l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir.
            Car depuis qu’il est arrivé au pouvoir la Chine a régressé dans l’enfer de la dictature pure et dure. Rendue possible grâce à la technologie toujours plus performante, des discours dingues et bien évidemment faux, sans oublier les pratiques ignominieuses de propagande et d’autocritique qui font par exemple du défenseur des droits un criminel. Toutefois, le plus surprenant de ce livre a été peut-être de découvrir cette population scindée en deux par le gouvernement chinois. D’un côté les marges que la politique chinoise agrandit chaque jour, et cet autre côté qui montre une population bien aveugle et confortable, et qui refuse de voir ce qu’est le gouvernement de Xi Jinping. A l’image de cette personne en voyage à Taiwan dont l’auteur rapporte un comportement étrange.
            Cela étant, ces populations peuvent se rejoindre sur certains points qui se renforceront avec les générations futures ayant connu le système éducatif chinois – si rien n’est fait avant pour « sauver les enfants ». En effet, marge ou non, la grande majorité des chinois sont des feuilles vierges où le Parti Communiste Chinois écrit le passé, le présent et le futur.

« Et quand on maîtrise le passé, le PCC le sait aussi bien que George Orwell en son temps, on maîtrise le futur. »
p. 132. 

            Mao Zedong ? N’est plus tout à fait un criminel. Tienanmen ? C’est oublié. Le Dalaï-Lama ? Un terroriste, un saboteur, un dangereux criminel. Le tremblement de terre du Sichuan ou encore la COVID 19 ? Retournés à la faveur du Parti qui a tout fait pour aider ses enfants et évité que cela se reproduise ou empire. Avec force de vidéo d’infirmières, de pompiers, de médecins, c’est dingue ce que l’on peut faire oublier ! Du moins et au moins chez une bonne partie du peuple. Une affaire journalière en chassant une autre… La peur des représailles et l’intimidation faisant le reste…
            Le pire là-dedans c’est que la Chine rajoute des nouveautés toujours plus absurdes de jour en jour. Noël, le rire, le poisson d’avril, les jeux de mot… voilà autant d’interdiction qui fleurissent chaque jour dans la tête du Parti Chinois qui craint une révolte populaire et refuse le modèle occidental.

 « Dans différentes provinces, les directions du PCC ont demandé à leurs membres de ne pas participer aux célébrations et aux usages occidentaux. Cette prescription vaut aussi pour Halloween, la Saint-Valentin et même pour les poissons d’avril […].  
Noël est tout particulièrement ciblé. En 2017, la ville de Hengyang a interdit à tous les fonctionnaires et tous les membres du Parti de participer aux fêtes : car enfin, tout communiste doit aussi être un athée. Se référant aux ingérences occidentales en Chine, il y a plus d’un siècle, l’Anhui, a qualifié Noël de « fête de l’humiliation » et  l’Université pharmacologique de Shenyang a mis ses étudiants en garde contre « l’influence corruptrice de la culture religieuse occidentale », et leur a conseillé de travailler plutôt la « confiance dans leur propre culture ». « Noël est une fête des chrétiens, et donc une blessure infligée au peuple chinois. Elle n’est pas faite pour les Chinois, lisait-on dans un article publié su WeChat et qui circulait à la même époque. Nous ne devrions jamais oublier l’histoire infamante de notre pays ».
Ne pas oublier l’histoire, voilà qui n’est pas un mauvais conseil. Qui s’y teindrait constaterait que l’histoire du christianisme en Chine est aussi ancienne que celle du christianisme en Amérique. Même en oubliant les nestoriens qui prêchaient dès le VIIe siècle à Xi’an, la capitale Tang. Le missionnaire jésuite Matteo Ricci atteignit Macao en  1582 et Pékin en 1601, et si la Chine compte aujourd’hui, estime-t-on, 70 millions de chrétiens pratiquants, c’est aussi dû germes laissés par la mission de Ricci et de ses frères d’ordre ».
p.182.

Ces interdictions diverses sont peut-être par certains côtés rassurantes, même si la base est une bêtise elles indiquent quand même les peurs du PCC qui verrait son hégémonie idéologique remise en cause, où tous les dirigeants auraient à craindre pour leur vie. Mais la chose la plus étonnante dans cette affaire, c’est qu’au final c’est le gouvernement lui-même qui encourage la remise en cause du régime chinois futur. A bâillonner une nation entière en lui interdisant la liberté et le bonheur, c’est donner le bâton pour se faire battre. Du coup, il est vrai qu’en lisant ce livre, nous restons parfois perplexe devant la route prise par Xi Jinping. Surtout qu’il y a des ratés dans ce contrôle des masses. L’auteur met clairement en avant des exemples précis sur ce point, mais quelques réflexions de ses témoignages le prouvent également.

« « Il faut de la lucidité de quelques grands hommes pour compenser la faiblesse et la lâcheté des masses, notre pays a besoin de géants moraux », écrivait-il dans une lettre au poète et écrivain Liao Yiwu, qui vit aujourd’hui en exil en Allemagne. »
p. 306

La Chine et le monde :         

  Pourtant la Chine ce n’est pas que la Chine. C’est aussi tout un soft power qui vise l’étranger, via la politique, des douces invitations dans le pays des cauchemars, un activisme commercial et culturel. Et c’est hélas un fait, cette politique a fait une belle percée dans la conduite du monde à défaut d’être une franche réussite. Cependant, le plus inquiétant là-dedans, c’est que sous nos latitudes elle semble plus ou moins réussir aussi. L’amnésie et la stupidité semblant en effet toucher quelques grands chefs d’entreprise, des politiciens et universitaires, qui sont près à vendre les valeurs démocratiques pour une reconnaissance, un peu de fric, un peu de pouvoir, un vieux rêve…  Certes, notre système démocratique n’est pas des plus abouti, cela étant il n’en reste pas moins vrai que c’est le régime le moins pire au monde. Surtout si l’on compare à la Chine ou encore à l’Arabie Saouditepar exemple.

« En France, un ancien Premier ministre œuvre à diffuser une image aussi positive de la république populaire de Chine et du Parti communiste. Jean-Pierre Raffarin siège au conseil du Forum de Boao, crée par la Chine, contre-manifestation organisée par Pékin face au Forum économique mondial de Davos, et il enseigne à la CEIBS Management School à Shanghai. Entre autres avec la Fondation Prospective et Innovation qu’il dirige, il organise quantité d’évènements sponsorisés par la Chine, par exemple sur la « nouvelle route de la soie ». Par le canal français de CGTN, la chaîne du PC pour la propagande vers l’étranger, Raffarin à sa propre émission, Grand angle sur la Chine. Dans le générique de début, on le voit feuilleter, songeur, le livre de Xi Jinping Gouverner la Chine. Dans la première partie, il introduit le public, admiratif, dans l’empire de Xi Jinping, « un leadership puissant dans un grand pays où il faut naturellement de l’autorité pour gouverner 1,4 milliard de personnes ». C’est un pays plein d’avenir et de promesses, guidé par un Parti doté d’une « grande vision » qui « définit les règles du futur ». Un part qui  dit en substance Raffarin, se consacre à la protection de notre planète, à la coopération internationale et à la défense du multilatéralisme. L’épisode en question est intitulé « Leadership à la chinoise, plein de sagesse ». En 2019, Raffarin a reçu personnellement des mains de Xi Jinping la médaille de l’Amitié de la république populaire. Le monde a supputé que c’est sans doute « moins l’argent qui le motive que la reconnaissance » : comme d’autres « amis de la Chine », Raffarin est un « relais parfait » pour la stratégie de « Front uni » du parti, celle consistant à faire « du lobbying à tout-va, de l’influence ».
p. 363. (Voir tant de bêtise c’est magnifique et terrible à la fois !)

            Tous. Oublient-ils, qu’adopter la ligne de conduite chinoise et s’abaisser devant eux - comme ils le font déjà devant l’islam et son « isme » ou encore les racialistes - c’est abandonner à ce régime cruel, tous ces gens qui tentent de lutter contre ces nouveaux schémas de pensée et de faire qui cachent l’enfer ? Hongkongais, tibétains, taiwanais ne méritent-ils pas au contraire tout notre soutien dans leur combat pour la liberté et leur droit de vivre ? Ne savent-ils pas que soutenir la Chine c’est accepter le comportement parfois haineux de sa diaspora et de ses étudiants. Ses pratiques d’intimidation ou encore ses tentatives de dévoyer les sciences comme cela se voit dans les universités européennes.

            « Devant le Parlement, à Canberra, un représentant de l’agence de presse australienne ASIO parlé d’une « extrême menace ». On entend des avertissements analogues en provenance de la Nouvelle-Zélande voisine. Le débat public y a été lancé lorsque les services secrets ont révélé que le parlementaire Yang Jian, originaire de Chine, avait jadis donné des cours à de futurs espions chinois dans une école de l’armée de Luoyang. La sinologue néo-zélandaise Anne-Marie Brady a publié sous le titre Armes Magiques l’une des études les plus détaillés à ce jour sur les opérations de prise d’influence menées par la Chine. Sa conclusion : « les mesures fondées sur la dissimulation ou la corruption et visant à influencer la politique en Nouvelle-Zélande ont atteint un niveau critique. » Après la publication de ce texte, Brady a subi ce qu’elle décrit comme une campagne d’intimidation : sa maison et son bureau de Christchurch ont fait l’objet de plusieurs cambriolages ; visiblement, les intrus voulaient mettre la main sur son ordinateur, son portable et ses clés USB. Elle a reçu des appels et des lettres de menaces anonymes (« Tu es la prochaine ») ; après un cambriolage dans son garage, on a découvert que sa voiture avait été trafiquée. »
p.343.

« Le PCC livre donc désormais aussi ses batailles idéologiques dans les université occidentales. Que ce soit à Washington, à Bruxelles ou ailleurs, on fait partout sortir du sol de nouvelles fabriques de la pensée dans lesquelles des universitaires chinois ou des étrangers favorables à Pékin doivent chuchoter le message du Parti à l’oreille des puissants. « La méthode que privilège Pékin consiste à créer des dépendances et à installer ainsi une autocensure et une politique fondée sur la limitation de soi », lit-on dans une étude du royal United Services Institute […] ».
p. 349.

            Ne savent-ils pas qu’à la longue ça ne les servira pourtant pas. Que remettre en cause le respect de l’homme, son droit de vivre libre, heureux, d’avoir une vie privée, c’est remettre en cause une stabilité politique qui assure une pérennité au commerce comme au pouvoir. Quoi que dans ce cas, la perte de la dictature chinoise ne sera pas une grande perte pour le monde. Et vu la voie qu’elle suit elle est bien partie pour. Chaque gouvernement possède en lui les germes de sa destruction, comme le dit si bien l’autre.
           
Finalement, l'auteur a peut-être raison ; nous avons plus à craindre de nous, de notre relativisme culturel et politique, de notre collaborationnisme et aveuglement, que de la Chine… Peut-être avons-nous à craindre de nos dirigeants mous qui ne s’intéressent qu’à leur personne et se disperse trop dans le monde plutôt que d’investir dans leur pays pour le renforcer. Mais prenons la Chine en exemple, ne devenons pas ce qu’elle est. Méfions-nous du progrès que l'on nous vend.

            En résumé, ce livre était très intéressant à lire et très instructif. Il donne à voir le danger que représente la Chine sur nos démocraties occidentales déjà fort malmenées par des pays étrangers, des idéologies mortifères, des personnes hostiles vivant sur son territoire. Rien n’est à laisser dans ce livre. L’auteur ayant vécu 10 ans en Chine, ce livre est à prendre plus qu’au sérieux. Cela étant je veux croire que la Chine s’effondrera sur elle-même, elle a tout mis en œuvre pour cela.

Editions Tallandier.

Extraits :

« L’invention de la poudre à canon et du papier n’apporte à une nation que des avantages limités dans le temps. » p. 34.

« On entend certes moins souvent ces temps-ci la chimère du « dictateur sage », mais la légende du pays exotique et incompréhensible par le biais de la logique occidentale est plus vivante que jamais. C’est pourtant une absurdité, ne serait-ce qu’en raison du fait que la Chine actuelle est depuis longtemps aussi redevable à l’Occident – communisme, capitalisme, divertissement, musique, vêtements, urbanisme, science et technique – qu’à l’ancienne Chine. Et beaucoup de ce qui nous distingue encore aujourd’hui (les structures familiales et claniques, par exemple) est moins lié aux gènes chinois qu’au fait que cette nation vient tout juste de sortir de la société agraire. » p. 329

"La révolution culturelle a été une des heures les plus sombres de l'humanité. Mais pour certains enfants - on l'entend souvent dire -, une grande époque de plaisir. Du matin au soir, les adultes participaient à des réunions militantes, ils se dénonçaient et s'humiliaient les uns les autres. Des gardes rouges paradaient avec les cadavres torturés à mort de élue ennemis "contre-révolutionnaires". Mais les petits enfants, eux, passaient leur temps à courir dans les escaliers, ils se retrouvaient dans un conte de fées, un monde anarchique dont les adultes étaient exclus." p. 138

"Cela explique pourquoi les gens ont cessé de se défendre contre les démolitions et la reconstruction totale. Tout le reste, notre ancienne vie, notre tradition et notre culture,avait déjà été fichu en l'air auparavant, notamment pendant la révolution culturelle. Les anciennes maisons n'étaient qu'une ultime relique creuse." p. 136

"Le marchandage auquel le PCC se livre avec le peuple peut se résumer ainsi : vous vous pliez à notre dictature et, en contrepartie, nous vous fournissons la bien-être, la protection et la sécurité. Tel est le contrat social non écrit de la Chine. En observant l'échec du système lors de la crise du coronavirus, un nombre non négligeable de citoyens a conclu que le Parti avait rompu le contrat. "Nous vivons dans un système qui transforme n'importe quelle catastrophe naturelle en une catastrophe encore supérieure, d'origine humaine, celle-là", a écrit le professeur de droit et essayiste Xu Zhangrun dans un essai très remarqué. "L’épidémie de coronavirus a dévoilé le cœur pourri du système chinois." C'était un spectacle remarquable, entre autres parce que la peur de la maladie et les vacances des fêtes du printemps ont retenu des centaines de millions de Chinois chez eux, où ils n'ont rien eu d’autre à faire que de suivre sur les écrans de leurs portables la pire crise sanitaire de ces dernières décennies "L'élite gouvernante de la Chine a tout à coup été jetée dans un Colisée virtuel dans lequel ses capacités politiques ont été soumises à un test impitoyable", lit-on dans un blog intitulé Chublic Opinion et tenu par un auteur de Shanghai "Et elles ont raté le test de manière spectaculaire" Non seulement on a vite compris que la ville de Wuhan et la province de Hubei avaient contribué à l'information, mais l'élite dirigeante locale s'est ridiculisée lors de plusieurs conférences de presse.
Mais c’est après la mort du docteur Li Wenliang que les citoyens ont laissé libre cours à leur colère. Cet ophtalmologue de 34 ans avait évoqué dans un groupe WeChat, en s'adressant à d'anciens condisciples, l'apparition d'une nouvelle maladie infectieuse qui rappelait le virus SRAS de 2003, et avait demandé à ses collègues de faire preuve de prudence dans leurs hôpitaux. Sur ce, la police l'avait convoqué et lui avait avait reproché de "troubler gravement l'ordre social" et de diffuser des "rumeurs" nocives : "Si vous vous obstinez, si vous ne regrettez pas vos actions illégales et si vous les prolongez, on vous demandera des comptes", a indiqué la police au jeune médecin. Jusqu'alors, Li Wenliang était un citoyen modèle du système, pas un dissident, et en réalité, même pas encore un lanceur d'alerte : il n'était pas allé voir la presse, n'avait rien posté sur u réseau public, il avait uniquement mis en garde, sur un forum semi-privé, des amis médecins contre un risque sanitaire. Même cela, dans la Chine actuelle, peut être interprété comme un acte criminel.
Sa mort a fait passer Li Wenliang du statut de héros à celui de martyr. Beaucoup d'internautes ont cité une phrase prononcée par Li dans une interview, peu avant sa mort : "Je pense qu'une société saine ne devrait pas avoir qu'une seule voix." Et aussitôt se sont propagées par millions sur les médias sociaux chinois des hashtags comme "#NousVoulonsLaLibertéd'Expression". C'était probablement la plus grande éruption de colère populaire depuis le mouvement pour la démocratie de la place Tiananmen en 1989. [...]
Pour le Parti, c'était l'horreur : la perte de contrôle l'a frappé par surprise. Mais il a vite réagi au moyen d'instrument éprouvés : censure, propagande, répression. Des videoblogueurs, comme l'avocat Chen Quishi et l'homme d'affaires Fang Bin, qui avaient fourni des images du chaos dans les hôpitaux dramatiquement surpeuplés et dépassées de Wuhan, ont disparu début février entre les mains de l'appareil de sécurité. Les discussions sur la liberté d'expression ont rapidement été bloquées et effacées. [...]
Dans le même temps, la propagande tentait de contre-attaquer. Elle lança le slogan d'une "guerre du peuple" cotre le virus, un combat pour lequel tous devaient se montrer solidaires. Elle diffusa des images des nouveaux hôpitaux sortis du sol comme des champignons, des histoires d'abnégation héroïque de la part des médecins et d'infirmières. D"une manière générale, titrait l’agence de presse Xinhua, "une attitude positive et confiante est la meilleurs immunité contre l'épidémie"." pp, 117-119.

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